Dernier long métrage d’ Aki Kaurismaki, (premier film de son réalisateur visionné pour ma part), Les Feuilles Mortes dresse le portrait d’un monde ouvrier désabusé, sans ambition autre que tenir jusqu’au jour d’après.
Dialogues épurés, répliques saillantes et humour grinçant seront au centre des rapports entre les personnages.
La première partie du (court) film est consacrée à l’exposition du quotidien d’Ansa et Holappa, asservis à leur travail associé à un vice propre leur permettant de survivre : vol alimentaire pour l’une, alcool pour oublier la médiocrité.
Conjuguant mines patibulaires et regards intenses déboussolés, Kaurismaki choisit de faire converser le monde et ses protagonistes par médias interposés :
L’importance des musiques est prépondérante, avec plusieurs titres rock contrastant avec la froideur des visages et les nouvelles catastrophiques de la guerre en Ukraine.
La musique, c’est aussi le lieu de leur première rencontre silencieuse, au karaoké, où la verve de leurs amis respectif dénotent avec leur mutisme caractéristique.
Dans un monde où l’humanité s’auto détruit (l’agent de sécurité dénonciateur, l’alcool comme vecteur d’anhilation, les frappes militaires sur des écoliers, paquets de viande surgelées alignées au supermarché qui finissent au sol), il ne reste que l’art pour esquisser un sourire aux passagers transitoires de la planète.
D’abord à la sortie du cinéma, ultra référencé avec ses nombreuses affiches de cinéma « intellectuel », où les spectateurs trouvent des similitudes entre films de zombies et les œuvres de Bresson ou Godard, où Ansa semble s’amuser pour la première fois ( « je n’ai jamais autant rigolé de ma vie, on y retourne? »)
Plus tard, c’es lors d’une nouvelle soirée au bar, où MAUSTETYOT se produit en interprétant une superbe chanson d’amour et de solitude, dont le message percute de plein fouet Holappa.
L’art est ainsi le principal rouage d’un bonheur qui tend à se rapprocher au fur et à mesure que le « couple » se forme.
L’arrivée d’un 3eme personnage avec l’adoption d’ un chien voué à mourir, ame perdue dont elle prendra plus soin que d’elle même, nous permettra d’apercevoir un premier et un des seuls réels sourire du film, dans un éclat du masque quotidien.
Sur la forme, la mise en scène est chirurgicale avec plusieurs jeux de symétrie participant à des plans parfois assez longs, fixes, ou chaque mot aura son importance, chaque rictus permettra de faire évoluer le personnage.
Les espaces sont plutôt restreints et clos, a travers des pièces carrés, permettant une plongée totale dans les faits et gestes des comédiens.
On notera tout de même 2 plans ouverts principaux, l’un ou l’action se déroule hors champs avec l’accident d’ Holappa qui le conduira en chambre 13 de l’hôpital seul, et l’autre où il en sortira, cette fois accompagné et vêtu de nouveaux tissus, symbole d’une nouvelle vie prête à débuter, mais qui n’en sera pas forcément plus réjouissante.
Helsinki et le monde n’auront jamais semblé autant à l’agonie, mais c’est une tristesse rêveuse et mélancolique qui nous retient assis sur le fauteuil rouge lorsque défilent les noms sur l’écran noir.