Pas meilleur ni moins bon que les autres films de Kaurismaki : le cinéaste tient son positionnement, à la fois local et désespéré, minuscule et fougueux. Il cherche l'image métonymique, et peut-être même la vie métonymique : en quoi le moindre humain souffre avec le monde dans son ensemble, en quoi le moindre chagrin relève d'une détresse internationale. La guerre en Ukraine réduit la puissance d'aimer, le travail précaire et les humiliations réduisent la puissance d'aimer, tout conspire contre l'amour. Certains ont honte de leur âge, d'autres boivent. Et puis, un soir, on jette à la poubelle l'assiette qu'on avait achetée pour recevoir un ami chez soi. On n'en veut plus, de l'autre. On risquerait même de s'en passer. Le film lutte contre le désespoir sans le cacher, il le prend pour principe fondamental de toute relation : quand tout le monde sera absolument, réellement triste, quand tout le monde sera débarrassé de sa honte et capable de porter sa tristesse, alors l'amour, peut-être, adviendra. La gare attaquée en Ukraine s'appelle Tchaplyne, le chien trouvé au coin de la rue s'appellera Chaplin aussi : un même nom contient à la fois l'oeuvre géniale et le désastre.