Les Feux de la rampe est certainement plus qu'un film de par ses mises en abyme et son contexte. Chaplin en avait conscience pendant la conception de ce qu'il savait être son dernier film américain. A l'époque où le cinéma balbutiait son art, Chaplin l'a d'abord accompagné puis guidé d'une main ferme, convaincue et pétrie de talents pendant plus de vingt ans. Il a donné au cinéma ses lettres de noblesse et le cinéma le lui a très bien rendu en en faisant une figure universellement (re)connue et richissime. En 1952, Chaplin était largement décrié, usé après une décennie de polémiques et scandales médiatiques. Entre temps, le cinéma s'est développé sans lui, tel un enfant émancipé d'une figure paternelle tutélaire. Malgré le statut de film culte des Feux de la rampe acquis à posteriori et que l'on observe notamment sur Sens Critique, il m’apparaît pertinent de rappeler que même les critiques élogieuses de l'époque pointaient les longueurs verbales de ce film. J'ajouterai à cela les longueurs du montage, aboutissant à un rythme souvent malaisant, et des maladresses techniques et notamment le jeu des comédiens.
La mélancolie du feu prodige est palpable à tous niveaux, conférant certes une unité, une cohésion à l'ensemble de par son caractère métafictionnel. La première moitié du film reste extrêmement pénible et soulève des sentiments contradictoires pour les amoureux du Tramp (Charlot). La seconde moitié concentre l'essentiel du récit et du propos qui s'avère finalement bien trop en phase avec l'expérience du spectateur : Chaplin, l'acteur-réalisateur, croule sous l'usure du temps autant que Calvero et doit quitter la scène. Le prodige de la comédie muette est mort car suranné, les 2h17 du film en ont été la triste démonstration. Les Feux de la rampe convainc si peu, à l'image de l'apparition inédite entre Keaton & Chaplin, que la mort de son protagoniste laisse indifférent. Non, ce qui nous touche vraiment, c'est la mort de l'artiste.