Jia Zhangke navigue à marée haute. Caught by the Tides est un tsunami émotionnel, synthèse de sa filmographie entamée en 1997 avec Xiao Wu, artisan pickpocket. Il filme une fresque sentimentale qui s'étale sur vingt années, en assemblant des rushes qu'il a commencé à tourner en 2001 et dont les derniers datent de 2022. Vingt ans de rushes de la DV à la haute définition, Vingt ans d'histoires et de transformations de la Chine, des Jeux olympiques jusqu'à l'ère des robots. Passé, présent, futur. l'histoire du long-métrage tient elle en une ligne, elle est celle d'une femme à la recherche d'un amant perdu. Cette femme est interprétée par Zhao Tao, actrice fétiche de Zhangke qui et également son épouse. Plus que la dimension politique et sociologique, La beauté de Caught by the Tides réside finalement dans l'hommage sous-jacent qu'il rend à sa femme. Il la filme sous toutes ses coutures, de Datong à Chongqing en passant par le Barrage des Trois-gorges. Chantant, dansant, pleurant, souriant, avec masque, sans masque. L'actrice n'est plus actrice, elle devient objet du désir que le cinéaste s'amuse à perdre dans les méandres du temps pour mieux la retrouver. La fiction n'est plus fiction elle en devient réelle. Il est étonnant de constater comme Caught by the Tides répond à Grand tour de Miguel Gomes, ce sont deux films gigognes, miroirs, racontant un amour en fuite et brouillant le vrai du faux. L'œuvre de Jia Zhangke est l'une des plus importantes de la première moitié du 21è siècle, Caught by the Tides en est non seulement le prolongement mais plus encore l'aboutissement. Un film gracile et magnifique, comme une évidence. Truffaut à sa sirène du Mississipi, maintenant, Zhangke à celle du Yangzi Jiang.