Après plusieurs courts métrages industriels, Olmi débute sa carrière de cinéaste de fiction par trois longs métrages, s’intéressant dans une écriture très marquée par le documentaire, au quotidien, au labeur, aux moments insignifiants, au passage du temps, aux vies minuscules de gens simples. Après « Le temps s’est arrêté » et « L’Emploi », « Les Fiancés » est le troisième film d’Ermanno Olmi. Un cinéma beaucoup plus intéressant que ne sera le solennel et empesé ‘Arbre aux sabots »
« Les fiancés » est le récit de l’éloignement d’un ouvrier sidérurgiste milanais, fiancé de longue date, contraint d’aller travailler en Sicile, alors que sa relation amoureuse installée dans la routine est en train de se déliter. De l’ennui commun de leurs dimanches, il ne garde pas de regrets, mais arrivé en Sicile, la nostalgie de l’aimée l’étreint. Cette nouvelle situation de distance, va créer le déclic qui fera évoluer le couple. Après un bel échange de lettres les deux amoureux d'ordinaire peu bavards, vont finir par reconnaître leur attachement, en s'avouant l'un à l'autre le manque que crée dans leur vie cette séparation forcée.
Sans dramaturgie excessive, progression dramatique, ni action d’ampleur, le film n’est jamais ennuyeux, mais est rendu vivant grâce à une structure narrative éclatée, une chronologie fragmentée, un montage ingénieux à base de flashback qui apparaissent comme des souvenirs de ce que le héros a laissé derrière lui (visage de sa fiancée, de son père à l’hospice…)
Au long du récit se tissent habilement les deux éléments de l’univers industriel et de l’histoire sentimentale. C’est un film délicat et intimiste sur l’amour, la solitude, le couple, sur la permanence du lien malgré l’éloignement, évocation de la manière dont les sentiments peuvent se développer, au-delà des distances et du temps qui passe. Univers intimiste où compte chaque parole, chaque silence. Pas ou peu d’anecdotes, mais une peinture délicate des personnages dans leur milieu, où l’histoire personnelle s’écrit en résonnance avec le quotidien de la vie dessiné par petits tableaux dans lesquels Olmi démontre son talent de documentariste : bal populaire, pension pour ingénieurs et ouvriers, ruralité du Sud de l'Italie, festivités nocturnes d’un carnaval sicilien, dimanches de désœuvrement, voiturette annonçant par haut-parleur la perte d’un portefeuille, accident à la raffinerie, chien qui dérange une messe…
Un petit bijou de film sensible, marqué d’une grande pudeur, d’une simplicité très pure et d’une grande richesse de sensations