Mise en abyme de la réalisation d'un film sur l'histoire d'Olfa et ses quatre filles, le film est littéralement une lente mais sûre plongée dans les abimes de leur destin tragique. Labellisé documentaire, le genre de ce film n'est pas si facile à déterminer, puisqu'il alterne entre témoignages, scènes jouées, scènes commentées et même images d'archives. Autant de procédés qui visent à permettre aux protagonistes - les cadettes jouant leur propre rôle, les aînées étant interprétées par des actrices - mais aussi à nous spectateurs, une distance et réflexion sur un drame que l'on devine dès le départ et qui prend peu à peu forme au fil des scènes.
De par sa forme, les costumes, les dialogues, le film prend la forme d'un "cinéma cathartique", grâce auquel les passions, les émotions et les violences sont jouées pour mieux être dépassées. Dans quelques tableaux, la couleur rouge domine, que rappelle également le rouge à lèvres qui colore la plupart des lèvres des sœurs, couleur de l'interdit, de la passion, du drame. Introduites dès le départ pour jouer les sœurs aînées, les actrices se fondent dans le récit, de sorte que l'on croit en ce quatuor de soeur, complices et complémentaires.
Film de contrastes, il alterne entre la joie et le drame, entre les rires et les larmes. De même, on passe du plateau de maquillage et l'utilisation intensive de cosmétique aux scènes de plus grand dénuement, au naturel. D'une part certains protagonistes sont les acteurs directs de leur propre vie, donnant leurs témoignages et leurs ressentis. D'autre part, le récit, puisqu'il s'articule autour de personnes disparues, se fait nécessairement par un intermédiaire - notamment Olfa, la mère - par des souvenirs, par d'autres acteurs. Ceci crée un flou entre la vérité sous le mode documentaire et le récit fictif, comme mise en récit d'un drame innommable. Le film est également la clé d'entrée subtil à un drame à la fois personnel, familial mais aussi médiatique et politique.
Il ressort de ce film une grande honnêteté, parfois sûrement difficile à avouer - la violence de la mère, reproduisant l'expérience de son enfance - et une formidable injonction à faire de la génération future, ici les sœurs cadettes, les propres actrices de leur présent et de leur futur.