C'est le premier film d'Itsaso Arana en tant que réalisatrice. Alors qui est cette personne me demanderez-vous ? Ben, c'est non seulement l'actrice principale de trois longs-métrages du cinéaste Jonás Trueba, à savoir La reconquista, Eva en août (sublime œuvre qui a permis au Monsieur de se faire connaître à l'international dans les milieux cinématographiques et cinéphiles !) et Venez voir, mais c'est aussi sa co-scénariste.


Ici, Trueba se met en retrait, en se contentant d'un poste de producteur, et laisse pleinement sa comédienne fétiche, sa co-scénariste (accessoirement sa compagne !) insuffler sa propre personnalité à sa propre création.


Si on retrouve du style des films de Trueba (je dis bien "des films de Trueba" et pas "de Trueba" tout court, pour souligner qu'Arana a une part non négligeable dans le processus créatif de ces derniers !), avec ses longues scènes, en plan-séquence, laissant une grande place aux dialogues et aux naturels des acteurs... euh, pardon, correction, des actrices..., on sent poindre un style dans les thématiques, dans la manière de les narrer.


Alors, qu'est-ce que ça raconte Les Filles vont bien ? Ben, c'est un film sur des filles qui vont bien. Voilà, merci, au revoir. Blague pourrie à part, cela correspond au titre français qui est une traduction fidèle de l'original, Las chicas están bien (ouais, j'ai fait espagnol en LV2 !). Oui, on suit quatre (charmantes !) actrices, plus leur metteuse en scène, amies et complices, se réfugier dans une plaisante vieille bâtisse de campagne, en été, pour répéter une pièce. Pas un conflit à l'horizon, que ce soit sur les hommes, sur les heures de passage dans la salle de bain, sur la grandeur du lit, que sais-je. Et, bordel de putain de merde, qu'est-ce que c'est apaisant, une bulle de douceur et de tranquillité (certes inévitablement temporaire, sept jours pour les personnages, une heure et demie pour le spectateur !) dans ce vaste asile de dingues qu'est ce monde. Les filles vont bien, le spectateur aussi.


On suit un marivaudage entre femmes du XXIe siècle (il y a bien un personnage masculin qui apparaît dans la seconde moitié, mais il n'est nullement là pour être source de tension dans le groupe !) qui s'épanchent, discutent de leur métier, de leur vie, qui s'amusent ensemble. Et d'ailleurs, ça ne se cache pas de ce puisement dans le marivaudage, puisque dans les décors apparaissent des objets faisant penser au XVIIIe siècle, à l'instar du lit à baldaquin et des robes d'époque utilisés pour les répétitions, des bougies servant d'éclairage, des toiles de Jouy, sans parler de ce cher Bach à la BO.


Il est difficile aussi de ne pas voir une mise en abyme. On a quatre actrices incarnées par quatre actrices, portant le même prénom. Donc, il n'est pas interdit de les voir presque jouer leur propre rôle, d'autant plus que des éléments de leur véritable vie personnelle donnent lieu à des confidences. Ainsi, par exemple, la grossesse de l'une d'entre elles a été introduite dans l'intrigue. On a aussi une metteuse en scène à qui Itsaso Arana, la réalisatrice et scénariste, prête elle-même ses jolis traits, dont le personnage s'appelle ? Oui, Itsaso, bravo. Itsaso qui fait souvent office de maîtresse d'œuvre, comme le met en avant notamment le générique griffonné par ses propres soins.


Et dans cette bulle apaisante, intemporelle, bucolique, constamment ensoleillée, sur laquelle la cruelle réalité ne semble pas avoir prise, il y a la fantasmagorie du conte, comme le dévoilent une référence et une interprétation féministe de La Princesse au petit pois ainsi que de La Princesse-Grenouille.


De tout cela, il y a des jonctions entre cinéma et théâtre, fiction et réalité, passé et présent. L'air de rien, il y en a beaucoup à dire et à analyser.


En résumé, Les Filles vont bien est un baptême du feu réussi et prometteur, derrière la caméra, pour la rayonnante Itsaso Arana, à travers cette œuvre aussi intelligente, originale et réflexive qu'elle est agréable et solaire.




Plume231
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le 29 nov. 2023

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