Pour une fois, le titre résume bien le film. Il le résume tellement bien que parfois on s'interroge sur la part de documentaire du film en abordant résolument, dans les années 70, le thème de la vie d'un flic ordinaire à Los Angeles, la nuit.
Quant au titre original "The new Centurions", c'est pas mal, aussi. Dommage qu'il y ait une petite erreur (historique) dans l'appellation "centurion" qui correspond plutôt à la chose militaire que civile.
C'est un film de Richard Fleischer, 1972, saisissant de vérité dont un regard rapide pourrait laisser penser une certaine complaisance voire même une idéologie nauséabonde.
Il suffit de regarder le film dans le détail, s'absorber dans la musique (sans ambiguïtés) de Quincy Jones pour y découvrir au contraire des gens attachants qui s'impliquent dans un boulot difficile et ingrat, un boulot de base indispensable. Certes, on ne s'attaque pas ici aux gros parrains ou aux gros trafiquants mais à des gens insignifiants qui foutent une nième trempe à leur femme ou qui, camés, génèrent du désordre au sein des quartiers populaires dont tout le monde (en haut) se fout bien.
J'ai aimé plus que tout cette scène où le tandem de flics (le vieux briscard et le jeune) embarque un quarteron de prostituées dans leur panier à salade, leur fournissent alcool et sucreries, non pour les punir (de quel droit et pourquoi puisqu'elles sont libres de se prostituer ?) mais juste pour leur éviter quelques heures de "trottoir" pénibles en passant un bon moment entre copines.
De même que j'ai adoré la rencontre entre le jeune flic et l'infirmière, tous les deux marqués par la vie, qui font tous les deux un travail de nuit (j'allais dire un travail de merde) et qui, de toute évidence, peuvent enfin trouver moyen de s'entendre. Une belle lueur d'espoir.
Qu'on ne me dise pas que Fleischer fait dans le gore et le sensationnel lorsque le jeune flic vient de se faire flinguer. La caméra ne s'intéresse qu'aux visages du flic qui souffre et de son collègue désemparé. Fleischer ne cède pas au spectaculaire mais exprime sa profonde compassion. Et qu'on ne me dise pas qu'il y a complaisance de la part de Fleischer : il filmera tout aussi bien la bavure où le même jeune flic flingue, par erreur, un commerçant qui court après son voleur.
Au-delà de la vie de flic de base abordée dans ce film, j'ai apprécié les réflexions menées par Fleischer sur, simplement, la vie. Oui, je veux parler de l'implication forte de l'individu dans sa vie professionnelle en termes de transmissions de savoir envers son poulain (les lois de Kilvinski) et de la perte de valeur lorsque arrive la retraite (tant attendue).
J'ai bien aimé ce regard simplement humaniste de Fleischer sur des gens qui tentent de faire leur boulot du mieux qu'ils peuvent même si la tonalité générale du film est fortement teintée de mélancolie et de pessimisme.
Très bon film de Richard Fleischer noir, comme la nuit, et amer comme la vie.