Après « Winchester 73 » et « Devil’s Doorway » (La porte du diable) « The Furies » est le troisième Western d’Anthony Mann. D’emblée les attributs du genre sont présents : les grands troupeaux et leur cow boys, le riche propriétaire féodal qui a dépossédé les mexicains qui vivaient sur cette terre, l’arrivée de la loi qui encadre le capitalisme sauvage. Rapidement le théâtre tragique grec va s’inviter avec le baiser limite incestueux entre Vance (Barbara Stanwyck) et son châtelain de père (Walter Huston dont ce sera la dernière apparition) qui n’a d’yeux que pour elle, réincarnation de sa femme disparue, et qui héritera de la majorité du domaine, quelques miettes étant laissées au fils. Evidemment lorsque papa ramène à la maison celle qui sera sa future femme et surtout lorsqu’il annonce que tout lui appartiendra, fifille réagit brutalement. Cette scène d’une violence inouïe sera surpassée par la pendaison de Juan Herrera (Gilbert Rolland), où la douceur du dernier baiser de Vance à son ami, en accentuera encore l’horreur. La vengeance de Vance s’apparente davantage au film noir qu’au western, y compris l’assassinat à la fin, l’action se passant essentiellement la nuit (avec des extérieurs filmé en nuit américaine). Egalement très inhabituel dans les westerns de l’époque, la relation entre Vance et Rip Darrow (Wendell Corey) une sorte de je t’aime moi non plus avant la lettre, et dont le final très « cause toujours » apporte une touche d’ambiguïté absente du genre jusque là. Cocktail fait d’un peu de « King Lear », d’un peu « d’Œdipe Roi » et d’un peu de « L’idiot », le tout à la sauce composée western-film noir. Ce résultat ambitieux est gâché par des seconds rôles caricaturaux : le contre maître, la madre, les banquiers (avec une Beulah Biondi peu inspirée) et les dialogues trop fournis et répétitifs n’arrangent rien. Au débit également une pellicule pas toujours très lisible où curieusement les scènes de bagarre sont les meilleures, notamment celle de la montagne. Le directeur de la photographie Victor Milner fut nominé pour un oscar, alors que Lee Garmes (pas crédité) en a assuré une bonne partie. Enfin, véritable faute de goût, la grandiloquente musique de Franz Waxman semble davantage faite pour un grand spectacle épique comme « El Cid ».