Henri Serin,représentant en parapluies quadragénaire,parcourt la Bretagne,région propice à ce commerce,en essayant de vendre sa marchandise aux boutiques spécialisées.Mais il n'en peut plus de cette vie,il ne supporte plus ni sa femme,ni ses enfants ni son boulot et il décide brusquement de tout plaquer pour l'existence libre dont il rêve,afin de satisfaire son obsession sexuelle et son envie de peindre,activité pour laquelle il a un petit talent.Les seventies en direct live,vues par le réalisateur-scénariste Joël Séria,un de nos rares cinéastes authentiquement anar.Ce film est le plus connu de l'auteur,aujourd'hui âgé de 85 ans,qui n'a fait que sept longs-métrages pour le cinéma en quarante ans de carrière.La première moitié du film n'est pas sans rappeler "Les valseuses",sorti l'année précédente,dans sa verve anarcho-sexuelle post 68 matérialisée sous la forme d'un road-movie durant lequel le héros accumule les rencontres insolites,dressant le portrait d'une France profonde moins lisse que son apparence tranquille ne le laisse supposer.Séria réussit la performance d'offrir une oeuvre puissamment réaliste en l'animant de personnages totalement loufoques.Au long de son périple Serin est confronté à un prédicateur allumé et à sa soeur,vieille fille frustrée,à deux fermiers cradingues,arriérés et agressifs,à une marchande de parapluies pas farouche quand son mari est absent ou à un peintre libertin et sa copine canadienne cinglée.Dommage que le rythme baisse lorsque Henri quitte sa vie rangée et part s'installer du côté de Pont-Aven,où il sombre dans l'alcool et la semi clochardisation.En fait il s'agit d'un pauvre type,il le dit lui-même à un moment,sans doute influencé par l'air du temps de l'époque,jouir sans entraves et toutes ces conneries.Il menait une existence à laquelle personne ne l'avait contraint et il passe son temps à geindre sur son sort,avant de péter les plombs et de tout lâcher pour la première pute qui passe,se prenant à la fois pour Gauguin et Henry Miller avec ses tableaux ratés et ses envolées lyriques.Mais c'est un homme de la vieille génération et il n'est pas préparé à ce nouveau monde déstructuré dans lequel il s'engage imprudemment,ce qui va lui valoir des boires et des déboires.Cette balade armoricaine nous entraîne sur les plages de l'Atlantique et dans la lande bretonne où flottent les ombres de Gauguin et Théodore Botrel,tout en exposant un concentré 70's désormais paré de la nostalgie d'un monde disparu où l'on roulait en R16,en 4RL ou en buggy,sans ceinture de sécurité et avec éventuellement un coup dans le nez,où ça picolait sévère et fumait partout et tout le temps,où on dansait à poil sur le "Kung Fu Fighting" de Carl Douglas,énorme tube de l'époque,où les marques apparaissent ça et là.On boit du Byrrh,du whisky ou du pinard,les bistrots sont constellés de pubs pour Kronenbourg,Dubonnet ou autres boissons alcoolisées,il y a des rouleaux de serviette Elis dans les toilettes et on lit L'équipe le soir à l'hôtel où l'on croise les collègues qui font la route aussi.Le métier de représentant est d'ailleurs fort bien décrit,jusque dans les détails,avec la veste sur un cintre dans la voiture,car les VRP devaient toujours être tirés à quatre épingles pour visiter leurs clients.Parce que oui il y avait un petit commerce florissant,tout un maillage économique de boutiques,même dans les villes moyennes,même dans les villages.Essayez aujourd'hui d'ouvrir un magasin où l'on vendrait uniquement des parapluies,vous allez vite comprendre votre douleur.Jean-Pierre Marielle livre une de ses plus grandes interprétations dans ce rôle de paumé exalté et il porte brillamment le film.Il est entouré d'une belle distribution comprenant notamment Bernard Fresson en artiste joyeux et cynique,Claude Piéplu en fou de Dieu,Romain Bouteille qui porte bien son nom en curé toujours prêt à lever le coude ou André Chaumeau en boutiquier cocu.Côté féminin,c'est un défilé de beautés souvent déshabillées qui voit passer la québécoise bien roulée et pas frileuse Dolorès Mac Donough,qu'on ne reverra que dans un second film tourné au Canada,la jeunette Jeanne Goupil,compagne et actrice fétiche du réalisateur,qui a aussi signé les tableaux visibles dans le film car elle a fait les Arts-Déco,Andréa Ferréol en commerçante pulpeuse qui se donne à Serin,Gisèle Grimm en épouse pas si frigide que son mari le croit,Dominique Lavanant qui fait le tapin en costume breton,cornette comprise,et Nathalie Drivet,vue plusieurs fois chez Séria et co-vedette de son opus précédent,"Charlie et ses deux nénettes".