Propos préliminaires : si par un heureux hasard, tu es tombé(e), cher lecteur, chère lectrice, sur cette critique sans t'être au préalable renseigné plus en détail sur ce film, je te conseille d'aller le découvrir tel quel au plus vite (au cinéma si tu en as la chance et l'opportunité) et t'invite bien volontiers à reprendre ta lecture après visionnage, afin d'éviter de te révéler certains éléments de l'intrigue. En espérant que tu apprécieras l'expérience (dans le cas contraire, tu m'en verras désolé) !


Les Garçons Sauvages, film dont j'ai entendu parler par hasard en parcourant mon fil d'actualité Facebook et qui m'avait tout de suite interpellé avec seulement quelques photos, frappe fort. M'interdisant de regarder la bande annonce, je n'avais lu que le synopsis. C'est ainsi que je m'en allais aveuglément vers les salles obscures avec rien d'autre que mon intuition, n'ayant véritablement aucune idée de ce à quoi je m'apprêtais à découvrir.


D'emblée, j'ai été saisi par l'ambiance du film. Le début se veut violent et dérangeant : on y suit cinq gosses de riches, brutaux, portés sur la bouteille et la masturbation et amateurs de Shakespeare, commettre un méfait des plus malaisant (autant dire que le rapprochement avec Orange Mécanique se fait presque naturellement). En guise de punition, ils sont remis au soin d'un marin, appelé le Capitaine, réputé pour savoir comment amadouer et remettre sur le droit chemin les enfants les plus turbulents.


Après un périple en mer éprouvant, la grande partie de l'action du film a pour scène une île perdue dans le temps des plus étranges où la végétation n'est semblable à aucune autre, à la fois vivante et nourrissante, pourvoyant à tout besoin, quelque soit sa nature. L'exploration de cette abondance de nature et de plantes est rendue immersive par un esthétisme d'une simplicité déconcertante, accompagnée d'une ambiance sonore tantôt électro, tantôt bestiale et sauvage. La réalisation est saisissante d'efficacité et contribue à l'étrangeté du film (la couleur surgit à l'écran de manière ponctuée et dénote avec le noir et blanc stylisé), tout en n'hésitant pas à faire moult références au cinéma, à la littérature et à la peinture, et en mettant en scène une brochette d'acteurs impeccables. N'ayant même pas jeter un coup d'œil au casting avant de découvrir le film, j'étais persuadé que les cinq personnages principaux étaient interprétés par des acteurs (prometteurs) : quelle fut ma surprise quand mon acolyte m'a dit à la fin du film que, depuis le départ, il s'agissait d'actrices ! Le doute m'avait saisi après la transformation des garçons en filles mais je n'en avais pas le cœur net, n'écartant pas la possibilité d'un montage en post-production. J'ai aussi beaucoup apprécié Elina Löwensohn, qui ressemble de manière assez troublante à Tilda Swinton et qui campe un personnage énigmatique et charismatique, Séverine. À son sujet, le réalisateur, Bertrand Mandico (qui a un petit côté loufoque à la Tim Burton) explique que cette dernière devient le nouveau modèle de la bande, remplaçant leur amis imaginaire, Trevor, l'instigateur de leurs plus noirs méfaits qui prend la forme d'un crâne serti de rubis et de bijoux, apparaissant à plusieurs reprises, donnant ainsi une dimension supplémentaire au personnage et permettant, par la même occasion, de rapprocher ces plans de Trevor et de Séverine.


Les Garçons Sauvages est également intéressant en raison des thématiques sociales qu'il aborde : au début du film, la scène qui introduit le Capitaine le présente en compagnie d'un jeune garçon qui a fait la cure, très docile et qui affirme, d'une voie un peu trop aiguë, qu'il est devenu "civilisé". De ce fait, ladite cure ne semble pas consister pas à transformer les garçons turbulents en fille : le passage sur l'île ne devait être qu'une escale et non la destination du voyage. Ainsi, s'il n'y avait pas eu mutinerie, le Capitaine aurait emmener les quatre garçons (l'un d'entre eux s'étant perdu sur l'île) ailleurs. Si on omettait cela, on pourrait être amené à penser que le film avance l'idée que seule la femme peut être civilisée. Cette idée m'a frappé peu de temps après mon visionnage mais la fin du film (beaucoup apprécié le twist "si je ne peux devenir femme.... je deviendrais capitaine" au passage) tend à nuancer ce propos car la femme aussi peut être sauvage. En réalité, comme le dit Bertrand Mandico, "féminiser ne fait pas de mal" : après, tout est une question de dosage (ce qui est d'ailleurs mentionner dans le film). Cependant, il est également possible d'interpréter le film différemment, de défendre la thèse contraire, selon laquelle, la cure consiste à transformer physiquement les garçons en fille puisqu'on apprend que le Capitaine travaille en collaboration avec Séverine. C'est ce que semble avancer le réalisateur, en précisant toutefois que la transformation n'est que physique, que les garçons restent des garçons. Il y a également la question des "étiquettes", de cette manie de vouloir mettre des gens dans des cases, le film laissant une place importante à l'hybridité, à l'entre-deux, à la mutation constante avec notamment le Capitaine, homme doté d'un seul sein.


Je ne saurai dire si je serais prêt à revoir ce film un jour : il m'attire comme il me repousse, me fascine comme me dérange. En revanche, n'allez pas croire que je regrette d'avoir payer ma place car, une fois dans la salle, il n'est pas possible de sauter tel ou tel passage ou d'accélérer la vitesse de la vidéo : le film nous oppresse, nous malmène, nous met sous son emprise et pourtant, pas une seule fois, je n'ai eu envie d'écourter mon visionnage. Il s'agit d'une véritable expérience cinématographique, d'un voyage initiatique où l'on "navigue entre plein de choses comme dans la vie", comme le dit très justement l'actrice Vimala Pons, qui incarne Jean-Louis, dont on ne ressort pas indemne (j'en suis ressorti tout secoué avec les jambes qui tremblaient, c'est dire !). Ma note est donc méritée selon moi, non pas parce que les Garçons Sauvages figure désormais dans la liste de mes films préférés, mais parce qu'il s'agit d'un film qui ose et qui mérite d'être vu (ou plutôt vécu), malgré le fait que je sois conscient que cette sucrerie acidulée (ou cet "album concept" comme s'amuse à l'appeler Vimala Pons) ne plaira pas à tout le monde ! 9/10 !

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le 2 mars 2018

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vic-cobb

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