L'oeuvre magistrale de Mohammad Rasoulof offre une critique du régime politique iranien par une métaphore de la famille sur fond de la révolte des femmes iraniennes contre meport du voile. On y suit une famille de la bourgeoisie de Téhéran. Le père, Iman, vient d'être nommé juge d'instruction au tribunal révolutionnaire de Teheran. Il représente l'ordre et la loi. Il est encore animé par de saines convictions pour la justice. Mais lorsque éclate les manifestations des femmes iraniennes, soutenues par la jeunesse, pour leur émancipation, ses idéaux vont peu à peu s'effondrer. Il va se conformer aux injonctions de sa hiérarchie et va devenir un exécutant de peines capitales, signant même des mandats d'exécution dont il n'en est pas l'auteur. Il sera le prolongement de l'autoritarisme du gouvernement. Il se verra offrir une arme par son ami et collègue afin de se protéger d'éventuelles menaces, prenant alors conscience que sa position sociale et le gouvernement ne peuvent le protéger. Ce changement va impacter sa famille et lui-même. Il sera dans un premier temps abattu et empreint de désillusions qui va l'épuiser. Puis il sombrera dans une dérive autoritaire et paranoïaque envers sa famille.
Ses deux filles, alors lycéenne et universitaires, et rêvant de liberté, sont très connectées aux réseaux sociaux et prennent fait et cause pour les manifestants sans pour autant rentrer dans un activisme. Ces femmes de tout âge réclament plus de liberté, veulent en finir avec le port du voile et veulent rompre avec la conservation et le patriarcat. Les filles vont rentrer en conflit avec leurs parents mais tout en gardant un respect pour eux (jolie scène où les filles apporte le repas à leur mère qui boude). Entre les filles et le père se trouve Najmeh, femme et mère. Le personnage le plus intéressant du film. Elle est à la fois le prolongement et gardienne du patriarcat et de la tradition, mais elle est aussi mère, profondément mère. Elle va être au centre de ce conflit générationnel. Elle tente de comprendre les envies de ses filles mais reste aliéné par la tradition. Ce conflit qui va atteindre son paroxysme quand l'arme à feu, symbole de virilité et de puissance, de son mari va disparaître. Le père va accuser d'emblée sa plus grande fille. Il rentrera dans une paranoïa et fera une investigation, tel qu'il le ferait envers des criminels. Se passant essentiellement en deux lieux, le choix de cette mise scène accentue, d'une part, le contrôle du père sur sa famiile et d'autre part, la pression de sa hierarchie dans la répression de la révolte. Najmeh a de plus en plus de mal défendre son mari et la bascule va se faire lorsqu'Iman emmène sa famille dans son village natale, déserté, . Iman ne contrôle plus sa famille. La révolte populaire s'immisce dans le noyau familial. Iman séquestrera sa famille afin d'obtenir ce qu'il veut. Il veut son arme, sa puissance, sa virilité. Seule la plus jeune s'échappera pour, par la suite, libérer sa mère et sa sœur. Le village, en ruine, sera le lieu d'une "chasse aux femmes" où Iman finira par rendre son âme à sa terre natale. La famille n'est alors que cendre et poussière mais aussi le tombeau du patriarcat, projetant ainsi l'espoir d'une fin de la domination masculine religieuse sur les iraniennes.