"I'm not responsible for what people think, only for what I am."

Derrière ses longues 160 minutes et sa profusion de personnages secondaires, "The Big Country" dissimule une trame narrative relativement commune et à l'intérêt modéré. Les horizons immenses du continent nord-américain, les grands espaces du titre français, ne sont pas là pour être directement exploités mais pour servir de cadre à un récit assez banal : une romance traditionnelle contrariée, une autre romance naissante en marge, et l'éternelle thématique des terres que se disputent différents propriétaires. Gregory Peck débarque ainsi dans ce microcosme, composée de deux familles antagonistes se disputant un lopin de terre recelant un point d'eau d'une valeur inestimable, et il poursuivra son chemin (intellectuel) au sein de cet univers contrasté.


La question de la propriété privée et de la délimitation des territoires sera au final autant sinon moins élaborée que dans "La Chevauchée des bannis" (sorti l'année suivante) dans lequel elle constituait uniquement le point de départ d'une toute autre intrigue. Mais c'est surtout si l'on compare le film de William Wyler à celui de King Vidor, "L'Homme qui n'a pas d'étoile" (1955), que le manque de profondeur du traitement peut déranger. Gregory Peck et Kirk Douglas partagent dans une certaine mesure la figure du cavalier solitaire, mais l'évolution psychologique et intellectuelle de ce dernier s'avère à mon sens beaucoup plus intéressante et riche d'enseignements. On retrouve par ailleurs un personnage similaire en termes d'intériorisation et de réserve dans un autre film de Wyler, "La Loi du Seigneur" (1956), interprété par Gary Cooper.


En l'état, ce western joue un peu dangereusement avec les stéréotypes et donc les limites du genre. Les patriarches respectifs des deux familles ne présentent rien de très original dans leur confrontation, et le déroulement de l'histoire n'offrira que très peu de surprises. Deux réactions possibles : on peut d'un côté apprécier la qualité du travail d'artisan, ou de l'autre déplorer le manque d'âme d'une telle entreprise. Ou, comme moi, rester le cul entre deux chaises... Les motivations de Peck restent originales, à la fin des années 50, dans son refus obstiné de la violence, du clivage et des codes d'honneur archaïques, par-delà les figures incontournables du duel à mains nues (excellente séquence filmée de nuit dans laquelle il se bastonne copieusement avec un Charlton Heston un poil jaloux : teintes bleutées, durée de l'affrontement démentielle, et la futilité d'un tel combat exacerbée par la taille ridicule de leurs silhouettes au milieu des étendues immenses) ou au pistolet (une question de loyauté au-delà la relation père-fils traitée de manière un peu trop sage). Par contre, le glissement moral qui s'opère à mesure que le film progresse et que les deux patriarches Charles Bickford / Burl Ives révèlent leurs personnalités et leurs motivations, est d'une richesse bien plus appréciable. On est invités à soutenir le père de l'amie du protagoniste, de prime abord, mais ses intentions fort peu louables se dévoilent peu à peu : les "gentils" ne sont pas forcément du côté auquel on pense instinctivement, et sous certaines motivations honnêtes en apparence peuvent s'en cacher d'autres beaucoup moins respectables. Le retournement du jugement moral prendra de nombreux contours, au gré des situations et des personnages, et sans pour autant révolutionner ces thématiques, apporte un léger supplément valorisable à la hauteur de la décennie qui s'achevait.


[AB #197]

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le 20 févr. 2017

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Morrinson

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