Andrea Arnold s’empare des Hauts de Hurlevent pour en livrer sa relecture. Délaissant presque toute fidélité formelle à l’œuvre d’Emily Brontë, elle en extrait l’âme pour la transposer dans un cinéma où les sensations et la grammaire prennent le pas sur les mots.
Dans cette adaptation, chaque élément du décors et des choix esthétiques, dépouillés de toute artificiallité, participent à une immersion organique, presque tactile, primitif. La caméra, portée à l’épaule, s’attarde sur des détails infimes : la caresse rugueuse du vent sur une joue ou le crépitement de la pluie sur la terre.
Dans un geste profondément politique, Arnold fait de Heathcliff un homme noir. Ce choix, absent du texte original, réinscrit la marginalisation du personnage dans une violence sociale et raciale qui amplifie son exclusion. Heathcliff devient une figure étrangère, un corps intrus dans une société qui le rejette. Ce n’est plus seulement l’histoire d’un amour impossible ; c’est celle d’un homme qui, par sa simple existence, dérange.
Les personnages ne sont plus des figures idéalisées de la littérature : ils sont ancrés dans leur chair, leurs failles et leur animalité. Cependant, toutes les émotions qui traversent les personnages ne sont pas toujours excellemment retranscrites par les comédiens.
Cependant, à mesure que les silences s’allongent et que les regards se croisent sans paroles, ce minimalisme presque ascétique, peut devenir éprouvant. La densité des images et la lenteur du récit demandent une patience que tout spectateur, dont moi, ne pourra accorder.
En somme, Les Hauts de Hurlevent d’Arnold est une expérience viscérale qui transcende son matériau d'origine. Mais c’est aussi un cinéma qui exige, et parfois épuise, tant il nous laisse seuls face à ses images et à ses silences.