Il est étonnant de voir que la carrière de cet artisan, absolument estimable, d'un cinéma frais, divertissant et plaisant qu'est Yves Robert, a débuté par une purge, par ce qui est le pire film de toute sa carrière (affirmation pas du tout gratuite, car basée sur la vision de tous les longs-métrages du réalisateur !).
L'ensemble s'étend sur un peu plus de 70 minutes et, malgré tout, le scénario essaye de mêler des éléments n’allant absolument pas ensemble, ne respectant pas la moindre idée de construction scénaristique, pour essayer de tenir sur ce qui est pourtant une durée assez courte. Enfin, durée assez courte qui paraît bien longue tellement l'écriture est pitoyable et les gags minables. Au lieu de passer du coq à l'âne, il aurait été plus intéressant de ne pas perdre de vue la situation de départ (à savoir un type timide qui est amoureux de la crémière du coin !), en ne faisant pas comme si elle n’existait plus pendant une partie considérable de cette merde, et d’approfondir, par la même occasion, les personnages ainsi que leurs relations.
En outre, les femmes sont, ici, uniquement des poupées qui se laissent séduire avec une ou deux œillades par n'importe qui. Les hommes sont tous des gros lourds qui suivent béatement leur "proie", parfois en troupeau, sur plusieurs kilomètres.
Je sais très bien que cette œuvre a une prétention burlesque et n'a pas, en conséquence, pour objectif de faire un tableau réaliste de la drague dans la France des années 1950, mais le burlesque n'exclut pas une forme de subtilité et des personnages un minimum consistants. Choses dont ce film est évidemment totalement dénué.
Les acteurs principaux (habituellement cantonnés à être des quatrièmes ou cinquièmes couteaux, fonction dans laquelle ils étaient beaucoup plus à leur place !) pensent qu'avoir le jeu lourd les rendent automatiquement drôles ; mention spéciale à Jean Bellanger (aussi auteur du scénario… sans commentaire !) qui n'a pas eu une grande carrière et ce n’est pas difficile de comprendre pourquoi.
Les seuls instants à sauver, dans cette nullité, se déroulent durant les vingt dernières minutes, lorsque apparaît Louis de Funès, encore à enchaîner les seconds rôles à l'époque, en mari jaloux. On peut regretter que son jeu soit en partie phagocyté par un accent espagnol ridicule (ce qui est ironique vu les origines hispaniques du Monsieur !), mais on retrouve déjà certaines des caractéristiques de son talent, à travers ses mimiques, sa gestuelle, ses cris, qu'il exploitera avec l'immense succès qu'on lui connaît.
Pour ce qui est d'Yves Robert, heureusement qu'il se rattrapera de cette cata dès son deuxième film, le réjouissant Ni vu, ni connu, avec cette fois, des acteurs principaux de talent, dont Louis de Funès justement.