Quand Franck Capra réalisa "Horizons perdus" en 1937, les bruits de bottes en Europe mais un peu partout dans le monde se faisaient de plus en plus insistants.
Le film met en scène une poignée d'américains échappés in extremis d'une révolution à Shangaï. L'avion s'abîme dans l'Himalaya et alors que la situation semble désespérée, ils sont recueillis par des gens qui les secourent et les amène dans une vallée Shangri-la coupée du monde et hors du temps...
Film utopiste ou simplement de science-fiction ?
Compte-tenu du contexte politique délétère de l'époque, on pourrait penser qu'il s'agit d'un film utopiste qui décrit une société construite soigneusement de sorte que les gens n'aient pas le loisir de tomber dans les errances du monde dues aux volontés de pouvoir ou d'envie ; ainsi la vie peut s'écouler harmonieusement, en paix et les gens libérés des contraintes et des assujetissements qui les usent prématurément, peuvent vivre très vieux. Le diplomate (pacifiste) Robert Conway, qui fait partie des rescapés, comprend lors d'une discussion avec le Grand Lama, qu'il a été "attiré" vers ce lieu car considéré digne d'appartenir à cette communauté et éventuellement de prendre la tête de la communauté. Robert Conway y voit une convergence avec ses idéaux politiques, un aboutissement, une voie de sortie pour l'humanité vers une société enfin pacifique.
Mais là où je pense qu'il y a aussi une part de science fiction (ou de fantastique), c'est qu'un des rescapés ne l'entend pas de cette oreille et est terrifié à l'idée de rester dans ce paradis en trompe l'oeil et illusoire et fait des pieds et des mains pour en repartir. Il y a même une femme présente dans la vallée depuis longtemps qui rêve aussi de repartir à la première occasion car la vie heureuse et en paix a un prix, c'est qu'on finit par s'y ennuyer. Un autre point qui me fait penser plutôt à un film de science fiction, c'est qu'après que Robert Conway soit finalement reparti pour porter témoignage de l'espoir devant le reste de l'humanité, se ravise et retourne pour au contraire préserver cette vallée. Le vieux sage, Chang, l'avait dit, "il reviendra".
Notons quand même que ce paradis n'existe que grâce à un filon aurifère qui amène une prospérité infinie et interdit de facto tout espoir d'ouverture au monde ...
Pessimiste, Franck Capra renonce à l'utopie ...
Parlons du casting ou de ce que je peux en dire car je ne connais que peu d'acteurs du film.
Le diplomate Robert Conway est interprété par Ronald Colman qui a eu une longue carrière, semble-t-il. Ici, il joue son rôle avec beaucoup de pondération et d'empathie.
Le Grand Lama est interprété par Sam Jaffe : là, je connais car c'est le vieux professeur dans "le jour où la terre s'arrêta" de Robert Wise mais surtout c'est le personnage de Simonidès dans "Ben Hur" de Wyler ! Ici, il joue le rôle du vieux fondateur plein de sagesse de Shangri-la qui, malin, s'est débrouillé pour attirer et convaincre le diplomate de ne pas repartir.
Même si le film habilement restauré a quelques passages remplacés par une image fixe servie par la bande-son, elle, complète, "horizons perdus" reste un film de Capra de très bonne facture dans lequel je me plais, toujours, à rêver à cette vallée heureuse, au printemps permanent, havre de paix à l'écart des turbulences de notre vieux monde.