"sono contento che hai trovato le tue parole"

Ce matin, encore toute émerveillée de ma séance ciné de la veille, j'allume le nouveau podcast Réalisé Sans Trucage avec l'ancienne équipe de Pardon Le Cinéma qui faisait une review de leurs tops et flops de l'année 2022. Tout se passait bien jusqu'à ce que QU'ENTENDS-JE ?!?? un chroniqueur cale qu'il a dû, je cite, "se farcir Le Otto Montagne à 22h, 3 heures de montagnes contemplatives, c'est dur" ouin ouin. Alors mon coco, cette critique, je te la dédie parce que sincèrement, je pensais pas qu'il était possible de passer AUTANT à côté d'un film.

Je ne m'attarderai pas sur le fait que c'est une adaptation d'un livre car je ne l'ai pas lu et de ce fait, j'aurais du mal à expliquer s'il est bien adapté ou non. Tout ce que je peux dire, c'est que j'ai profondément envie de me plonger dans le roman de Paolo Cognetti, tant ce film m'a touché intérieurement. Car oui, cela faisait longtemps qu'un film n'avait pas autant dialogué avec des choses profondes en moi. Et ça m'a rappelé pourquoi c'était si important le cinéma et pourquoi j'en avais autant besoin.

Pour commencer, n'y a-t-il rien de plus ambitieux que de tenter de capter des sentiments profondément humain ? Voilà la prouesse que réussit ce film. Tout comme Pietro, je me pose beaucoup de questions sur mes aspirations et la place que je dois occuper dans ce monde. Comme lui, rien de fou ne m'est arrivé dans la vie, si ce n'est que d'avoir grandi normalement dans un environnement sain en ne manquant de rien. Et pourtant, on reste perdu, même si on a eu tout le temps qu'il fallait pour se construire, l'espace qu'il fallait pour faire des choix réfléchis. Pietro représente en quelque sorte le mouvement : il n'était pas bien à la ville quand il était enfant mais y retourne tout de même une fois adulte. Il ne se sent à sa place nulle part. Tandis que Bruno représente quelque chose de solide, stable. Il vient de la montagne et ne voudrait la quitter pour rien au monde. Dès son plus jeune âge, il a un rêve qui ne changera jamais, tenir un alpage. Quand Bruno dit à Pietro sono contento che hai trovato le tue parole (je suis content que tu aies trouvé tes mots), on sent que la tendance s'inverse. A force de questionnements, et de remises en questions, Pietro a pu se faire sa place. A ce moment-là, les bases de Bruno qui semblaient solides, s'effondrent. Il perd l'alpage et ses convictions solides finiront par le détruire. La recherche de spiritualité et d'appartenance est l'une des grande quête de notre génération, je pense. Dans ce monde en mouvement, nous avons du mal à combler notre besoin d'être au monde et ce film vient nous rassurer, en nous demandant d'être patient.

Sur les amitiés, j'ai compris qu'elles ne s'éteignent en vérité jamais, elles subsistent à jamais dans ce qu'elles ont changé en toi et dans ton rapport au monde. Tout comme les fantômes de nos proches qui décèdent, qui finalement ne sont que les projections que l'on se crée de cette personne pour se rassurer. Au moment où Pietro perd son père, il est en plein conflit existentiel et ne sait pas réellement s'il a fait les bons choix de vie. L'adolescent effronté qui s'élevait contre son père a gagné, mais au détriment de Pietro en tant qu'adulte, finalement. Il n'a pas suivi les conseils de son père et ça ne l'a pas rendu plus heureux. Ces questions émergent à la mort de son père et on ressent qu'il est honteux face à Bruno qui a tenu le rôle du fils idéal toutes ces années, malgré sa vie qui a été plus compliquée que celle de Pietro, dû à ses origines sociales. Je précise, ceci est mon interprétation. A ce moment-là, il décide de suivre pour la première fois les désirs de son père en rénovant la maison dans la montagne et c'est ce pas vers son père qui va petit à petit le guider vers son bonheur. Il renoue son amitié avec Bruno et s'apaise au fur et à mesure que la maison se construit. D'ailleurs, en parlant de leur relation, quel bonheur de voir une amitié si douce et si sincère au cinéma, c'est tellement rare. Pietro et Bruno viennent de deux mondes différents et qui se rencontrent. Les deux s'apportent mutuellement des choses et c'est ça qui va sceller leur amitié. On touche à un point central de ce qui pourrait être une partie de définition de ce qu'est un ami, c'est-à-dire quelqu'un qui nous intrigue et dont on a envie de savoir plus, pour soi-même se redécouvrir d'une nouvelle manière. Leur relation se construit aussi par des silences remplis de pudeur et c'est là le secret du réalisme de cette amitié, je crois.

Au delà du fond qui m'a bouleversée, les décors étaient époustouflants et m'ont à nouveau rendu fière de ce que le cinéma belge avait à offrir. Ces montagnes sont filmées de telle façon à ce qu'elles forment un personnage à part entière du film. Elles sont filmées sous des angles qui la rendent vraiment vivante et qui font qu'on ne s'en lasse pas. La montagne apaise les tourments des deux hommes et les relient indéniablement. On se sent porté matériellement dans ces alpes italiennes où la vie semble couler dans le calme et la simplicité.

Le film est donc une réussite brillantissime sur le fond et sur la forme. J'ai donc du mépris pour vous, qui enchainez des films à Cannes à en atteindre l'indigestion et qui avez l'outrecuidance ensuite d'exposer votre avis dessus. Vous me débectez à lâcher vos idioties, juste parce que vous n'étiez pas foutu d'être entièrement présent à cette séance, peut-être parce que vous pensiez à l'after, peut-être parce que vous aviez déjà consommé pléthore de films avant, ou peut-être parce que vos goûts sont médiocres tout simplement. Mais quoi qu'il en soit, je n'écouterai plus maintenant de la même manière les critiques évoquées durant Cannes et sa vie de débauche bourgeoise et hypocrite. [Oui j'abuse mdr mais autant rendre ça théâtral un minimum et Réalisé Sans Trucage, je suis rarement d'accord avec vous (sauf Simon Riaux <3) mais je vous aime quand même]

nandhi
10
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Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes les plus belles amitiés à l'écran et feel free, even in your bedroom

Créée

le 21 janv. 2023

Critique lue 40 fois

nandhi

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