Je ne sais jamais à quoi m'attendre lorsque je commence un film des frères Dardenne. Celui-ci pour le coup m'a plu. Filmé la caméra à l'épaule, suite de gros plans, entre-coupés brutalement, absence de musique (à part dans une scène mais j'en parlerai plus tard), la réalisation nous offre une totale immersion dans les journées de cette jeune fille précaire, Rosetta. La puissance qui émane d'elle est inspirante, elle garde la tête haute et refuse la bonne pitié des gens, son jeu d'acteur est extrêmement convainquant. Le film montre bien le silence de la société face à la pauvreté : notamment quand Rosetta ne cesse de se faire refuser aux jobs auxquels elle se présente. On peut aussi réaliser jusqu'où nous pouvons aller pour sortir de la misère, qu'est-on prêt à sacrifier ? Son seul ami ? Les couleurs du film me semblent aussi importantes, on reste dans des tons ternes, cela ne fait que renforcer le message du film. La précarité ne fait qu'isoler Rosetta, et cela se remarque dans son incapacité à avoir des interactions sociales normales. Notamment durant la scène de danse dans laquelle on peut voir la tension à l'intérieur d'elle, à la fois incapable et envieuse de passer du bon temps. La question du bonheur ne fait pas partie des préoccupations lorsque tu ne sais ce que tu vas manger le lendemain.
La vision de la précarité se fait à travers les yeux de Rosetta, de ce côté là je trouve les frères Dardenne assez avant-gardistes en introduisant le problème de la précarité menstruelle (qui doit être une réelle difficulté dans le quotidien des femmes pauvres). Il filme plusieurs fois, Rosetta pendant ses crampes, le réalisme de la scène est juste incroyable, le jeu de l'actrice est vraiment crédible (n'importe quelle femme pourra en témoigner, comme moi, je pense).
Bref "Rosetta", c'est littéralement une expérience cinématographique d'une heure et demie dont on ne peut ressortir indifférent.