In vino veritas

En tant qu'adaptation d'un roman de Simenon, œuvre d'un certain Henri-Georges Clouzot, on pourra se montrer un brin déçu devant "Les inconnus dans la maison", même si l'ensemble se suit agréablement, pour peu que l'on soit sensible aux charmes du cinéma français des années 40.

Mais certains défauts apparaissent vite évidents, à commencer par l'interprétation très théâtrale de la jeune génération (à l'exception peut-être de Mouloudji, qui sera d'ailleurs l'un des seuls de la bande à percer dans le music-hall).

Heureusement, les comédiens confirmés apparaissent nettement plus convaincants. On croise avec plaisir les visages bien connus de Jean Tissier, Noël Roquevert, Helena Manson ou encore Jacques Baumer, tandis que Raimu apparaît discrètement aviné pendant plus d'une heure, avant de s'offrir une plaidoirie finale à la hauteur de son talent.

Pour en revenir aux faiblesses du film d'Henri Decoin, on déplorera le décalage entre la nature dramatique et désespérée du propos, et la tonalité sarcastique, voire franchement comique de certains dialogues et situations, censés alléger l'atmosphère et amuser un public en train de vivre les heures sombres de l'Occupation.
Le mélange des genres s'avère un peu douteux, et il faut tout le talent du scénariste Clouzot pour emballer l'ensemble, sans omettre de traiter l'intrigue policière.

Il résulte de ces diverses influences un film étrange, loin d'être une franche réussite mais pas complètement anodin, qu'on a parfois comparé au "Corbeau" mais qui évoque plutôt, parmi les œuvres à venir du maître Clouzot, la fracture générationnelle et le procès de "La vérité".