Son nom est Ness, Eliot Ness.
On peut s'amuser à plagier James Bond pour évoquer le personnage fétiche de l'une des plus célèbres séries TV américaines. D'autant plus qu'il y a maintenant ce film de Brian de Palma au titre tout désigné, qui consacre définitivement le mythe au regard cette fois de la postérité cinématographique.
Mais un conseil : oublier les images en noir et blanc vues et revues sur le "petit écran" pour apprécier pleinement celles qui défilent en scope couleur 2 h durant sur le grand écran. En effet, à quelques réserves près, ce film est une belle réussite. Interprétations irréprochables, reconstitution historique luxueuse, photographie superbe... Plaisir de visionner une oeuvre flamboyante, bien dans la lignée des productions haut de gamme.
Inspirée de faits réels mais plus ou moins romancés ensuite, l'histoire des "Incorruptibles" est ce qu'on appelle un sujet en or. Illustration parfaite d'un thème majeur : le Bien contre le Mal, ou encore David contre Goliath. Dans le Chicago des années 30, cela se traduit donc par la lutte sans merci entre Al Capone et Eliot Ness. Le 1er est le fameux caïd qui règne sur la ville grâce à la corruption généralisée, jusqu'au plus haut niveau politique et administratif, riche et intouchable à force de violer impunément la Loi au niveau de la prohibition de l'alcool. Le 2e est le jeune flic qui, avec trois autres types intègres et courageux, va oser le défier jusqu'à le faire condamner. Face aux truands, politiciens véreux et collègues ripoux, se bornant tous à laver le linge sale en famille, Elliot Ness va diriger une vaste opération "coup de torchon" !
La force du film vient de ce qu'il magnifie simultanément l'esprit de groupe chez les 4 incorruptibles et la dimension sacrée de la croisade qu'il mènent au nom du simple respect de la Loi.
Mais sans truander De Palma quant à son talent de cinéaste, on peut donc faire des réserves. D'abord, la notion de combat de longue haleine (prohibition d'alcool, j'insiste !) est forcément mieux restituée dans les multiples épisodes de la série. Ensuite, il est évident qu'il cède, lui aussi, au tic omniprésent à l'époque dans le cinéma américain : l'idéalisation de la famille. Ce qui ralentit l'action et fait dégouliner un peu trop de mielleux entre deux giclées sanglantes ! Enfin, le caractère dramatique de certains plans est accentué à l'excès avec prise de vue étirée et recours au ralenti hyper lent. Cela donne une avant-dernière séquence d'anthologie, mais avec tant de maniérisme qu'on se demande si De Palma ne s'est pas un peu pris pour Léone !
Donc, qu'un 8 (alors que pour "Il était une fois... l'Amérique", c'est un 10 irrévocable !), mais 8, quand même !
En Al Capone, Robert De Niro fait encore une fois une composition époustouflante du fait de sa métamorphose physique et de son jeu au diapason du machiavélisme du personnage. Et il y a bien sûr la noble amitié virile personnalisée par Kevin Costner-Ness et Sean Connery-Malone. Celui-ci conforte sa stature de géant du cinéma avec un rôle de vieux flic tout en sagesse et droiture, vrai modèle pour le jeune chef des "Incorruptibles", qui se retrouve bel et bien sous influence !