Après les affranchis, j'avais envie de revoir un autre classique de la gangsta life: The Untouchables. Brian DePalma tente ici de renouer avec les flics super parfaits comme sous l'ère cinématographique de Hoover dans les années années 30-40: une justice inébranlable prête à tous les sacrifices pour bouter le gangster ainsi que le flic corrompu hors de la noble amérique.
Le gros problème du film, c'est que DePalma est trop intéressé par l'aspect technique. Je n'irai pas jusqu'à dire qu'il veuille en foutre plein la vue d'une façon prétentieuse; c'est juste qu'il aime faire des plans léchés, composer des travelling superbes ou employer sa fameuse double profondeur de champs (dû à une brisure dans la lentille, mais j'ai oublié le nom de cet accessoire). C'est beau c'est bien fait, mais est ce que ça sert vraiment l'histoire? Pas vraiment. Tout cet étalage de son savoir-faire prime sur l'émotion qu'il délaisse. Ainsi, quand un des personnages principaux meurt, la larme ne coule pas; en revanche le spectateur pourra admirer la fluidité du travelling, la beauté du décor, le beau contraste du sang sur le sol, etc.
Le film est donc bien mis en scène dans le sens où ça se laisse regarder sans peine - puis il y a tout de même une histoire qui se raconte - mais on peut également dire que le réalisateur a failli dans le sens où rien ne ressort du côté humain et émotionnel.
Il est toujours difficile d'adapter un fait réel. Ce qu'il se passe dans la réalité n'est pas forcément un évènement cinématographique en soi. Il faut parfois tricher pour parvenir à ses fins. Après tout, je doute fort que les gens qui sont allés ce film cherchaient une leçon d'histoire ; ils y sont allés pour voir un film de gangster qui, en plus, a été réalisé par le gars qui a fait Scarface (ce n'est pas une mauvaise raison bien sûr). Alors pourquoi vouloir rester fidèle? Il ne faut peut être pas non plus plonger dans l'extrême opposé comme Tarentino l'a fait par rapport à Hitler...
Je parle de ça car la fin m'a fortement déçu. En effet, cette histoire de jury, même si elle a eu lieu, aurait mérité un approfondissement. Là on sort du film en ayant l'impression que le juge fait tout ce qu'il lui plait. Ho ben on va changer de jury et puis voilà l'affaire est close. On passe à notre fougueux héros qui rentre chez lui, heureux.
Double déception en plus. Car depuis le début notre héros veut arrêter Capone pour ses meurtres et non ses impôts non payés. C'est contraint, parce qu'il n'a pas d'autres solutions, qu'il le coffre pour cette raison. Après tout ça ne me dérange pas non plus que le personnage ne réussisse pas totalement ses objectifs. Les happy Endings ne sont pas nécessaires à une bonne histoire. Mais dans ce cas ci, ce qui est honteux c'est d'avoir renié le personnage. Car notre petit Kevin Costner... il est heureux de coffrer Al pour ça. Alors qu'il avait dit que... Dommage.
Musicalement, Ennio Morricone va dans le sens de DePalma: le patriotisme. J'ai trouvé ces airs assez agaçants et souvent malvenus. Quand un massacre est si bien orchestré, si bien mis en scène, pourquoi mettre cette musique appesantant le propos? Tuer n'est jamais glorieux, même si ce sont des gangsters. Et à moins d'être dans un série B fun, je ne vois vraiment pas l'intérêt de mettre ce genre de musique (ça devient de la propagande anti criminalité et pro justice by the gun). Mais le pire c'est que Ennio échoue également dans les moments dramatiques. Ainsi à la mort de notre James Bond préféré, on ne peut qu'être agacé par les envolées musicales. C'est un moment important de l'histoire, et déjà la mise en scène ne rend pas justice. Alors si en plus la musique déraille. Je reprocherai donc un ton malvenu et maladroit pour la BO, trop patriotique et surtout trop bruyant; des scènes de fusillade je ne retiens finalement que ces airs incessants.
Je vais maintenant aborder une scène mythique sous l'oeil du spoil. Je parle bien sûr de la scène des escaliers que tous les profs de cinéma aiment passer en classe en déclarant qu'il s'agit d'un bijou de la mise en scène. Alors souvent ils se contentent de ne passer que ce morceau là du film. Et comme la première fois que j'ai vu ce film c'était bien avant que j'ai de tels cours... je n'avais plus le contexte général en tête.
Alors oui bien sûr en soi, il y a un bon rythme. Puis les ralentis c'est toujours beau. Et De Palma arrive à installer très vite la tension. Trop vite en fait. Et la tension est si haute que... ça finit par faire éclater la scène... comme un ballon trop rempli d'air. La cause est que De Palma rajoute des péripéties qui n'ont pas lieu d'être. Devoir identifier les ennemis au milieu d'une foule est déjà assez pénible. Pas besoin de rajouter un bébé dans une poussette, même si ça fait un chouette hommage à un film russe. Puis,tous ces plans de ralentis sur cette multiplicité de choses qui se passent... c'est tellement trop exagéré , c'est tellement insister inutilement sur la tension que... ça fait rire.
Oui j'ai ri. Enormément. Un mec qui saigne, Costner qui impressionne dans la fumée des tirs... et un bébé qui se marre. Ok. Ha un méchant qui tire mais rate Costner de peu, Andy Garcia l'atteint à l'autre bout de la pièce, Costner fait mouche sur un autre, un autre méchant tire, un jeune marin qui passait par là se prend la balle. Un .. marin? Mais oui! ceux qui étaient bien tranquille soit en bas soit en haut des escaliers, et ben quand ça tire de partout ils se rendent compte qu'ils ont oublié un truc et foncent dans les escaliers tentant d'éviter les balles. Si au moins c'était des figurants plus anonymes. Mais non. Des marins en tenue de sailors... On nage dans une mer de surréalisme. Et bien sûr en plus de tous ces plans au ralenti de gens qui se font trouer ou qui tirent, on a la grosse artillerie de Ennio Morricone, qui a oublié sa dentelle chez Sergio Leone.
Le problème vient que tout est de trop dans ce passage. De Palma a littéralement pété un plomb. Sa technique est poussée à l'extrême, la musique, les ralentis, les acteurs... Alors que jusque là, à quelques exceptions près on peut dire que DePalma était dans la retenue (ses artifices faisaient seulement sourire genre: "ha ça y est c'est le moment de la vue subjective). Oui il aimait faire des beaux travelling, tout était très mécanique, mais jusqu'à une certaine limite. Ici De Palma ne retient plus rien. Alors si techniquement c'est géré, car tout est parfaitement lisible, ça ne tient pas la route dans le contexte de l'histoire, dans la continuité du film. Et le pire, c'est que le rire n'était certainement pas la finalité recherchée. DePalma, aveuglé par son obsession de bien faire, ne remarque pas qu'il en fait trop, et tue son histoire.
Bref, un film de gangster qui m'a bien déçu. Technique impeccable sauf lors de cette scène mythique, où De Palma en fait trop, mais tout cette construction se fait au détriment d'une histoire captivante à la base. Bref, le film est à voir mais surtout pour DePalma.. le reste on s'en fout.