Le film représente bel et bien une sorte de quintessence du film de gangster, en se focalisant sur un des plus fascinants d'entre eux : Al Capone, incarné ici par un des acteurs les plus emblématiques et charismatiques de sa génération : Robert de Niro.
Le casting est extrêmement alléchant : à la barre, Kevin Costner, en Eliott Ness incorruptible et intransigeant, secondé par un Sean Connery gouailleur. Chicago apparait comme une ville sombre et corrompue, à tous les niveaux, gangrénée par la prohibition, une ville opulente aussi, avec le fameux hôtel d'Al Capone, le Lexington Hotel, son QG fastueux. Face à ces flics de la brigade des finances, réputés incorruptibles, le gangster joue des muscles et des intimidations tout en étant si puissant qu'il est innarêtable.
Brian de Palma installe une ambiance assez pesante où la suspicion est de mise : en témoignent quelques moments à la mise en scène brillante, au travers de plans qui ne montrent qu'une partie de la scène et suggèrent l'ennemi qui rode, au travers de regards, de passants faisant des allers et venus. Mieux, la caméra du réalisateur se glisse même dans la peau d'un tueur, nous montrant l'effroi de la scène en vue subjective. Les personnages deviennent dès lors tous interlopes et témoignent du climat de suspicion qui règne dans la ville. La scène de la gare est à cet égard très révélatrice : attente, série de personnages louches, un landau gênant au milieu des tirs croisés, presque burlesque.
Mais, si le bien triomphe et qu'Al Capone est confondu pour fraude fiscale, Brian de Palma n'en est pas moins cynique sur l'époque qui l'a vu naître et dominer la ville. L'alcool, chose interdite, est présente partout. Même nos incorruptibles y goûtent, que ce soit Sean Connery, le soir, seul chez lui, ou même Eliott Ness, qui, interrogé par un journaliste à la fin du film annonce que dès que la prohibition sera levée, il boira un verre.
Amérique corrompue jusque dans les plus hautes instances, villes glauques et sombres, insécurité et argent sale, De Palma sublime ici les codes du film de gangster par une mise en scène par moment brillante. Kevin Costner, cependant, me laisse froid et ne semble pas entrer dans l'époque face à un ogre comme De Niro, impressionnant une fois de plus de charisme et de violence terrifiante.