C'est avant tout l'histoire d'une résurrection. Celle d'un réalisateur qui s'était égaré (Kundun),qu'on a cru carrément perdu pour le cinéma (A Tombeau Ouvert), mais dont le talent restait indéniable (Gangs of New York, Aviator).
Remake de Infernal Affairs, The Departed raconte le destin croisé de Billy Costigan (Di Caprio) et de Colin Sullivan (Matt Damon). Comme le titre l'indique chacun mène une double vie: Costigan est un infiltré dans la pègre irlandaise, Sullivan lui travaille dans la police afin d'informer ce même gang. Chacun a donné son âme à un homme: Frank Costello, le parrain de la mafia irlandaise interprété par Jack Nicholson (qui en fait des caisses, mais pour la bonne cause).
Polar intense, psychologique ,Les Infiltrés étonne dès les premières minutes .Est-ce que c'est l'univers de la mafia, cette jeune génération d'acteurs, l'occasion de diriger Nicholson et Martin Sheen? Toujours est-il qu'on a l'impression que Scorsese retrouve un second souffle, rajeunit.Sa caméra redevient virtuose ,le montage nerveux ,un travail admirable du cadre, comme s'il voulait épater tout le monde, montrer qu'il reste le meilleur.Car au fond, qui est encore présent, de sa génération? Coppola? il prefère passer son temps dans les vignes, réalise un film de temps en temps pour nous rappeler qu'il est encore un cinéaste. De Palma? Trop sur de son talent, il s'est complètement perdu, se raccrochant à sa technique .Lucas? Star Wars fut son chef d'oeuvre mais aussi son tombeau .Spielberg est toujours là, enchainant les grands films, mais il ne boxe pas dans la même catégorie ,privilégiant l'entertainment (ce qui n'est pas péjoratif pour moi, contrairement aux critiques français qui vomissent sur lui).Alors Scorsese s'accroche, et montre à qui veut l'entendre qu'il faut encore compter sur lui.
Il suffit de voir sa direction d'acteurs, unique. Arriver à rendre Mark Wahlberg intéressant, en flic raciste et vulgaire .Réussir à donner de la profondeur au jeu de Matt Damon ,qui joue enfin un rôle de type abject.
Et Di Caprio....C'est lui le grand acteur du film. Je le trouvais absolument pas crédible dans Gangs of New York et Aviator, avec sa tête de poupin,une sorte d'eternel adolescent qui n'a rien à faire dans la cour des grands. Mais au contact de Scorsese, il s'est étoffé, a gagné en puissance, veut montrer qu'il n'est pas De Niro, mais un peu quand même. Il faut le voir dans les scènes de face à face avec Costello, Sullivan ou autre, cette intensité, cette fébrilité dont Bob avait le secret.
La scène finale avec la mort de Matt Damon laisse pantois: pour la première fois un personnage scorsésien connait le même destin que les autres, ne trouvant pas son salut. Car la rédemption ici n'est pas fictionelle, mais réelle. Celle d'un homme, d'un réalisateur.
La plus belle, forcément.