S'il n'y avait cet amour passionné pour Romy, "Les innocents aux mains sales" serait passé totalement sous mes radars pourtant rompus à débusquer le Chabrol, même mineur et oublié par le temps, cet infâme "jaunisseur" de pages.
Ce thriller/polar tropézien semble emprunter autant à l'esthétique d'un épisode des cinq dernières minutes aux couleurs affadies, qu'au film érotico "giallesque". Romy y est nue d'abord dans son jardin, puis s'habille un peu quand son riche et vieil époux (Rod Steiger) revient à la villa, se déshabille de nouveau lorsqu'elle prend un amant pour tromper l'ennui, puis se rhabille définitivement lorsqu'elle perd les deux hommes : le cocu qu'elle assassine et le bellâtre parti dissimuler le corps avant de disparaitre (Paolo Giusti un piètre acteur italien).
Contraint probablement par sa matière d'œuvre, un livre de Richard Neely, et un scénario qui ne prend pas assez de distance avec le texte adapté, nous sommes dans un polar à l'intrigue alambiquée, presque parodique, tant les retournements de situation s'avèrent comiques, le tout accompagné, par une partition musicale sans subtilité, trop typée intrigue à suspens.
Voilà pour les défauts, qui d'abord agressent un peu le pékin lambda des années 2020. Pourtant comme souvent chez l'affable cinéaste, l'enquête va se révéler un peu plus inattendue, menée par des flics lourdauds en apparence (et ici dans les faits) et contestée par un jeune avocat truculent (Jean Rochefort au meilleur de sa forme).
Et, de retournement en retournement, le cinéaste brosse un beau portrait de femme, moderne, manipulatrice puis manipulée et finalement très touchante au contraire de personnages masculins pathétiques asservis par leurs pulsions animales. Et même si la traditionnelle chronique acerbe de la bourgeoisie n'est qu'ébauchée, on est bien chez Chabrol, un peu comme à la maison chez soi, lorsque soudain le temps s'étire dans une douce somnolence, nous enveloppe d'une agréable chaleur, savourée un verre de bon vin à la main.
Bref, ce bon Claude excelle comme à son habitude dans les plans d'intérieurs cossus et même dans les plans extérieurs la nature n'est jamais hostile. Evidement, il y a ici comme souvent des soubresauts de drame, de violence, mais celle-ci ne traumatise jamais, et puis quoiqu'il arrive , il nous restera ici l'image de la belle Romy. Le reste...
On s'en fout.