Pour lire en musique, Kate Bush-Army Dreamer
Denys Arcand s'attarde sur la dernière étincelle de vie d'un hédoniste, d'un croqueur de vie. La fin de vie qui n'est pas ce départ avec panache, tambours battants, mais bien la longue agonie d'une flamme lentement privée d'oxygène. Ici, la flamme c'est Rémy ; intellectuel épicurien, socialiste revendiqué, homme de bon goût qui ne se pique de rien, il fait face à une maladie qui le mène doucement vers la mort. Entre nostalgie et regrets du passé, regards attendris sur sa jeunesse licencieuse, sa carrière universitaire et ses accomplissements, l'homme se trouve face à face avec son existence, ses erreurs et errements, sa vie de famille éclatée. Personnage torturé comme tout un chacun qui doit dresser le bilan du court laps de temps qui nous est accordé sur cette terre, on peut, plagiant Steinbeck, dire de lui
[qu'] il était le champ piétiné où ses propres forces s'étaient livré bataille.
Reste alors la famille, les amis qui l'entourent. Que sont-ils ? Que font-ils ? Que penseront-ils après ma mort ?
Dans un monde où les rapports sont régit par l'argent, le fils essaye tendrement de pousser les élèves de son père à venir le voir, remue ciel et terre pour reconstruire le lien brisé et calmer les douleurs de son père. Les vieux amis sont réunis, la famille se retrouve, même par le biais d'un ordinateur car si la fille au loin navigue, il n'existe plus aujourd'hui de bout-du-monde injoignable.
La critique n'est jamais loin, critique en demi-teinte de ce capitalisme éminemment corrupteur, de la drogue, du système de santé et de la bureaucratie le gangrenant, évocation de cette lente chute du XXIème siècle mise en parallèle au déclin de l'Empire Romain, tableau au vitriol d'une société dans laquelle même la spiritualité est à vendre, peinture peu complaisante d'un monde où semble s'effriter l'humanité.
Alors que reste t-il de cette faites d'idéaux et de plaisirs voluptueux qu'a vécu Rémy ? Des joies, des peines, une envie de vivre, une tendresse inaltérable, des rapports humains profonds, une amitié durable, toutes ces choses qui ne se révèle qu'a la lumière des drames les plus profond et qui laisse songeur quand à notre nature, celle qui nous pousse à voir le bon là où réside le drame. De cela, le film traite avec beaucoup de justesse, de part ses personnages touchants de justesse, parfaitement incarnés par des acteurs qui s'amusent et s'approprient parfaitement des dialogues fins, émouvants, truculents. On se retrouve aisément à passer du tragique au trivial, au détour d'une anecdote scabreuse :
Moi, j’attends d’un homme qu’il bande fermement. De l’intelligence et de la santé, j’en ai pour deux !
Les invasions barbares mérite, plus que tout autre, d'être défini comme une comédie dramatique. C'est une perle, de la bonne humeur inextricablement mêlé au drame de l'humanité et qui ne se gène pas pour dresser un constat doux-amère sur la société qui nous entoure. Reste un fin empruntée et tirant vers le pathos et la rédemption qui déçoit un peu.