Nous sommes en 1682, Louis XIV est roi de France depuis près de 40 ans (1643). Nul ne le sait encore, mais son règne (le plus long des rois de France) est encore loin de s’achever, puisqu’il ne prendra fin qu’à sa mort en 1715. Plaçant son règne sous le signe de la puissance, le roi en veut un symbole éclatant. Ce sera Versailles, avec son château et ses jardins. Le film s’intéresse à ce dernier aspect.
C’est André Le Nôtre (Matthias Schoenaerts) qui est en charge du projet. Sa mission est capitale (même s’il ne risque pas la peine du même nom en cas de déception du roi) et le monarque le lui fait comprendre. Héritier d’une dynastie au service de la royauté, André connaît bien son métier. Il sait aussi qu’il devra tenir compte d’éventuelles intrigues de cour (son univers en subit les influences).
André Le Nôtre cherche quelqu’un pour l’aider à concevoir et réaliser des jardins qui soient en mesure d’éblouir l’Europe. Pour concevoir le bosquet des Rocailles, il finit par engager Sabine De Barra (Kate Winslet) qui lui a présenté des plans de sa main.
Quelques observations suite à l’avant-première du film :
- Le titre peut donner une impression trompeuse, car on voit peu de jardins, du moins des jardins dignes d’éblouir l’œil du spectateur.
- André Le Nôtre est né en 1613 alors que Louis XIV est né en 1638. 25 ans d’écart, cherchez l’erreur dans l’attribution des rôles !
- Si le réalisateur, l’acteur Alan Rickman, se plaît à prendre la pose à l’occasion dans le rôle du roi-Soleil, il ne cherche pas à se montrer de façon exagérée. Ici Louis XIV alterne bonhomie et autoritarisme occasionnel tout en regrettant certaines obligations.
- Le personnage central est Sabine De Barra. Suite à une audience de pure forme (quelques minutes), elle est finalement engagée plus sur une inspiration de Le Nôtre que sur son talent éclatant. Un talent qui reste toujours bien flou. Et pour cause… Sabine De Barra est un personnage fictif ! Voilà qui explique l’absence de plans (qu’on serait en droit d’attendre) sur ce qu’elle aurait conçu avant Versailles. L’attitude très indépendante du personnage n’est pas en adéquation avec une époque où les femmes étaient largement désignées sous l’expression sexe faible.
- Puisqu’il est question de sexe, les amateurs (amatrices) de scène du genre seront déçu(e)s : 2 situations d’une incroyable platitude. De manière générale, les interprètes sont au diapason de l’inspiration du réalisateur, sans grande saveur.
- Personnages historiques (la Montespan, etc.), costumes (heureusement) et décors donnent un certain relief. Par contre, si Alan Rickman sait ce qu’il veut montrer, il manque de l’inspiration d’un grand metteur en scène pour donner suffisamment de liant à ses moments marquants. Quelques belles images en jouant sur la luminosité. Quelques scènes originales, dont un tête-à-tête incognito entre Sabine et le roi. Mais, le scénario reste bien trop longtemps dans des péripéties assez convenues. On attend de l’esprit dans les relations de cour et il y en a, mais cela ne va guère au-delà du sourire pour le spectateur.
- Un aspect inattendu et franchement bienvenu : Kate Winslet passant d’un salon à un autre au château de Fontainebleau, entrainée par une masse de courtisans aussi compacte que des parisiens dans le métro à une heure de pointe. Dans le même esprit, le roi considère que les uns et les autres ne viendront à Versailles qu’une fois qu’il s’y sera installé (dans cette campagne, il faut constamment faire attention aux crottes d’animaux).
Un film trop long (mon voisin de gauche s’est assoupi), dont le scénario peine à échapper au bavardage, alors qu’il pourrait se concentrer sur l’évolution du chantier. Car ce que conçoit Sabine De Barra est tout sauf anodin. Elle-même a une personnalité marquée par un passé longtemps tu (au point qu’on n’imagine plus son importance dans le scénario). Le film vaut donc pour son ultime partie, avec un flashback émouvant sur le passé de Sabine et l’inauguration du bosquet des Rocailles (achevé on ne sait comment). Là oui, la puissance et la grandeur de Louis XIV (de la France) éblouissent l’écran, par les décors, les costumes, l’ambiance et la chorégraphie. Et même si la musique déçoit (comme l’ensemble de la BO), à ce moment elle semble venir du ciel comme il se doit.
Comme d’habitude, j’ai appliqué le principe qui veut qu’un film s’apprécie à sa juste mesure en vo. Constat : à la cour du roi Louis XIV, celui-ci demandant expressément à ce qu’on bâtisse un monument à la grandeur de la France, tout le monde parle… anglais. On pourrait se contenter d’en rire et de savourer le fait que des anglais cherchent, pour une fois, à travailler à la grandeur de la France. Ce n’est pas simplement maladroit, c’est ridicule (patatras). Pourquoi inventer un personnage alors que ces jardins (les vrais) ont été conçus par un jardinier-paysagiste d’exception ? Bien entendu cela aurait été une tout autre histoire. Le genre de film qui redorerait le blason du cinéma français tout en mettant en valeur le patrimoine architectural. Bref, sous une autre forme, ce projet aurait dû être le nôtre !