--- Bonsoir, voyageur égaré. Te voila arrivé sur une critique un peu particulière: celle-ci s'inscrit dans une étrange série mi-critique, mi-narrative, mi-expérience. Plus précisément, tu es là au dixième épisode de la quatrième saison. Si tu veux reprendre la série à sa saison 1, le sommaire est ici :
https://www.senscritique.com/liste/Vampire_s_new_groove/1407163
Et si tu préfère juste le sommaire de la saison en cours, il est là :
https://www.senscritique.com/liste/Vampire_2_King_Crocs/2478265
Et si tu ne veux rien de tout ça, je m'excuse pour les parties narratives de cette critique qui te sembleront bien inutiles...---
J’ai de nouveau accompagné mes loups à la Cinémathèque ce soir pour découvrir avec eux une nouvelle curiosité. Comme à chaque fois, la salle est comble. Les vampires prennent de plus en plus leurs aises dans l’obscurité des trois salles qui leurs rendent hommage, si bien qu’il n’est même plus nécessaires d’utiliser le flair pour les repérer. Un simple coup d’œil suffit. Et leur nombre est effrayant. S’ils décidaient de nous attaquer ce soir, nous n’aurions aucun moyen de nous défendre, leur simple supériorité numérique écrasante nous engloutirai. C’est en frissonnant à cette pensée que j’ai regardé mes protégés s’asseoir à coté de ceux qui commencent à leur être familier. Si ce n’était cette angoisse de la guerre qui approche, je m’attendrirai devant ces amitié naissantes qui grandissent dans l’intimité des fauteuil de la salle Franju… Mes indications portent leur fruits, et bien plus loin que je ne l’avais imaginé. De tous ceux qui se sont assis à coté de leur nouvel ami avec une embrassade affectueuse, je doute qu’il y en ai beaucoup qui l’aient fait en se souvenant que c’était avant tout un ordre que je leur avait donné de sympathiser avec « l’ennemi ». C’est formidable. Si cela continue d’évoluer dans ce sens, nous éviterons les émeutes non-organisées d’une part, et nous forcerons les dirigeants vampires à reconsidérer leurs ambitions. J’espère que Lycaon ne m’en voudra pas trop d’essayer de tuer dans l’œuf cette guerre à laquelle il se prépare si farouchement quelques centaines de kilomètres plus loin. Quant à moi, je n’arrive malheureusement pas à venir suffisamment fréquemment pour distinguer de nouveaux visages familiers. Si mon voisin de fauteuil est sans aucun doute un vampire également, je le rencontre pour la première fois ce soir.
Et peut être bien la dernière. Je ne parierai pas que ses éclats de rire restent sans correction de la part de ses supérieurs. D’ailleurs moi-même j’en suis venu à conclure que sa réaction était quelque peu excessive. Certes le film est daté, ancré furieusement dans son époque, muni de son plus beau filtre à étoiles et le brandissant devant des robes étincelantes, transformant les actrices en constellations. C’est joli un temps, mais c’est vrai qu’il faut aimer l’esthétique tapageur. Assorti à ce filtre viennent des hautes lumières éclatantes, des contres créant des auréoles à nos actrices-constellation, une douceur optique qui flirt carrément avec le flou. Et pourtant, les personnages n’auraient pas eu besoin de toutes ces paillettes techniques pour briller. Contre tous les défauts du film, l’interprète de la comtesse Bathory (encore elle ! Décidément, on ne se quitte plus ce mois !) se tient en rempart contre tout mauvais jugement. Envoûtante, séductrice, cruelle, elle brille de toute sa grâce et de toute sa sensibilité. C’est un parfait Dracula au féminin si réussi qu’on se demande pourquoi diable on n’avait pas essayé de travestir le comte plus tôt -bien sur la Hammer nous avait servi très tôt des filles de Dracula et des maîtresses de Dracula, mais elles étaient toutes dotées de leur personnalité propre, ou d’aucune personnalité justement, ce qui ne faisaient pas d’elles des translations pures du personnage du plus grand vampire de la littérature (Non, pas Edward Cullen, Dracula, suivez un peu mes petits loups !) dans un corps féminin.
Après ça, évidemment que le scénario un peu ridicule pouvait justifier le rire de mon voisin. Les autres personnages sont inintéressants au possible, et l’on est d’autant plus agacé que lorsqu’ils apparaissent à l’écran, c’est pour retirer cet espace à la comtesse. D’ailleurs, sans elle, j’aurais pu sévèrement juger le film comme sexiste, ne nous proposant alors plus que deux modèles féminin : l’épouse et la putain. C’est un peu limité. Tout ça pour un homme machiste, violent et stupide (les autres hommes du scénario ne comptent pas, ils sont vieux, rendez-vous compte !). Le grand final est assez ridicule, ce qui vient tuer toute tentative de dramatisation. C’est dommage car pourtant le plan aurait pu être joli. Mais l’absurdité de la situation rend incompatible toute volonté d’estimer la scène. Le tout est également parsemé d’absurdités, d’incohérences et de « mais quoiiiiii ??!!! » qui justifient en partie l’hilarité de mon voisin.
Mais tout de même. On ne rit pas d’une si belle vamp, ni de son esclave (ah si, elle y a le droit) qui cherche désespéramment une raison de vivre l’immortalité, un moyen de combler sa soif, sa solitude et son ennui.
Mais la soirée ne s’arrêtait pas sur ces rêveries pour moi. Une femme m’a cueillie à la sortie de la séance. Je ne l’avais pas remarquée dans la salle. Pourtant, les ondes de puissance que je ressent quand elle m’intercepte d’un frôlement sur l’épaule me laissent supposer de sa force. Sa discrétion n’est qu’un atout en plus dans son jeu, et je comprends avant qu’elle ne l’énonce à qui j’ai à faire. La reine des vampires. Présidente du conseil, me corrigera-t-elle quelques heures plus tard, au cours de la discussion. Elle est habillée d’une manière neutre et décontractée qui me surprend. Un jean usé, et un gros pull bleu foncé. La seule fantaisie à son accoutrement est ces talons vertigineux sur lesquels elle est perchée. Je me sens petite et trapue face à son allure immense et élancée. Malgré son pull sans forme, je perçois la cambrure naturelle de son dos qui lui donne des airs nobles. Elle n’est pas maquillée et a coiffé ses cheveux d’un chignon honnêtement plutôt raté. Pourtant brille dans son regard sans artifices tout le poids du pouvoir dont elle est dotée. Tandis que j’échangeais des regards entendus avec mes loups qui regagnaient la bouche du métro en compagnie de leurs nouveaux amis vampires, c’est bien moins détendue que j’acceptai de suivre mon étrange collègues dans une promenade nocturne aux lourds enjeux pour nos deux communautés.