"Les lions sont lâchés" est un film que Verneuil a réalisé en 1961, juste après l'excellent "le président" et avant "un singe en hiver". Une récréation entre deux, en quelque sorte.
C'est donc un petit film mais avec une affiche alléchante.
Que ce soit côté actrices avec Claudia Cardinale, Danielle Darrieux et Michèle Morgan. Ou que ce soit côté acteurs avec Lino Ventura, Jean-Claude Brialy, Darry Cowl… Ou encore du côté des dialogues avec Michel Audiard.
Parce que l'histoire est, somme toute, assez convenue. Une femme provinciale bordelaise (Claudia Cardinale) en a marre de son mari et de la vie étriquée et morne à Bordeaux et vient se réfugier chez une amie parisienne (Michèle Morgan) avec la ferme intention de tirer un trait sur le passé et de goûter (enfin) à "tous" les plaisirs à Paris. Mais la vie mondaine va se révéler n'être qu'une succession de désillusions. L'histoire est, semble-t-il, tirée d'un roman que, promis, je ne lirai pas …
Pourtant, j'aime bien l'idée de Verneuil de vouloir mettre en scène cette société parisienne telle que je l'imagine : frivole, artificielle, condescendante, bourgeoise, superficielle, futile et vide. Un peu l'ambiance des salons chez Balzac au XIXème. Où la première préoccupation est de prendre un amant ou une amante (c'est selon), la deuxième de briller par les mots d'esprit et la troisième de commencer à vivre en allant prendre des vacances à Deauville ou à Capri … pour y retrouver, bien entendu, les mêmes zigotos … ou pour se rendre compte qu'on est finalement mieux à Paris.
Pour cela, il y a des scènes assez bien vues comme le vernissage ou les diners ou la préciosité des dialogues de Michel Audiard. Encore que pour ce dernier, je me serais attendu à des dialogues plus mordants ou plus vachards.
Navigant dans ce beau monde, il y a Claudia Cardinale dans le rôle de la provinciale clairement "montée" à Paris pour s'éclater un maximum. Mais, entre l'ancien copain, savant atomiste polytechnicien (Darry Cowl), qui lui explique son boulot sur la nappe du restaurant, le romancier à la mode (Jean Claude Brialy) qui a tout dans la gueule mais pas grand-chose ailleurs et le toubib surbooké (Lino Ventura) qui n'a que le temps de quelques passes (j'exagère), Claudia Cardinale tombe de Charybde en Scylla.
Avec un tel sujet et de tels personnage, le film aurait pu être beaucoup plus amusant mais, malheureusement, Verneuil a voulu trop en faire en montrant des personnages trop stéréotypés. Ça finit par être indigeste et surtout pas très crédible. Il aurait fallu mettre bien des nuances ou a minima approfondir les personnages ou certains sujets abordés.
Même les acteurs n'ont pas l'air bien convaincus de leurs rôles. Le plus criant, c'est le surjeu de Danielle Darrieux dans son rôle de femme du monde et de sa relation avec les autres. On l'a eu vue bien plus performante dans des rôles équivalents. Lino Ventura, lui, il fait du Ventura en bon éléphant dans un magasin de porcelaines … Ça passe ou ça casse. Là, ça casse plutôt.
Quant à Claudia Cardinale, son rôle d'ingénue à chercher l'aventure dans le grand monde ne tient pas bien la route. Dans la vraie vie, je pense qu'elle aurait eu toutes les peines du monde à s'y faire une place, même cornaquée par Michèle Morgan car le milieu mondain, tel que je le vois, est plus hermétique que bienveillant.
Jean-Claude Brialy dans le rôle de l'écrivain à la mode cabotine beaucoup trop. Dans un rôle équivalent, il est mieux réussi dans "les cousins" de Chabrol
Si je rapproche ce film du dernier film (autobiographique) de Verneuil, "588 rue Paradis", je crois comprendre l'idée de base des "lions sont lâchés". Verneuil n'appréciait vraiment pas la futilité de la vie mondaine et parisienne. Mais pour faire passer ce message en 1961, il aurait fallu qu'il use de beaucoup plus de finesse.