Réputé pour ses comédies, Pierre Salvadori signe ici un film noir mâtiné de chronique sociale, initialement destiné à la télévision, dans le cadre de la collection Arte intitulée "Gauche droite".
Ce qui n'était au départ qu'un moyen-métrage ("Le détour") sera finalement exploité au cinéma dans une version longue, joliment titrée "Les marchands de sable".
Le long-métrage conserve néanmoins quelques stigmates de son passé téléfilmesque, à l'image de sa distribution faiblarde, de ses moyens limités et de quelques maladresses qui frôlent l'amateurisme (la façon grotesque dont le meurtrier s'arrange pour confier le bijou de la victime à Guillaume Depardieu...). A tel point que je pensais qu'il s'agissait d'un premier film, alors que Salvadori avait déjà réalisé trois long-métrages auparavant.
Ces quelques fautes de goût sont d'autant plus regrettables que le film a de nombreux atouts à faire valoir, à commencer par son atmosphère singulière : on suit le quotidien des habitants d'une petite place de la capitale, un milieu très populaire gangréné par les trafics en tous genres. On pense pêle-mêle à "Neige" de Juliet Berto, à "Pigalle, la nuit" ou aux "Derniers parisiens", mais à une échelle réduite.
Cette chronique sociale présente quelques velléités documentaires, par exemple lorsque Salvadori décrit la chaîne de "fabrication" de l'héroïne, où lorsqu'on assite à un concert de Camille Bazbaz - lequel participe d'ailleurs à la bande originale, autre point fort du film avec ses accents reggae du meilleur effet.
La force des "Marchands de sable" réside en outre dans sa tonalité très sombre, n'offrant aucune échappatoire à ses divers protagonistes. Ainsi, Salvadori et son co-scénariste Nicolas Saada ont l'audace de faire mourir très tôt un personnage important (à l'issue d'une poursuite à pied très immersive), présenté initialement comme le héros du récit.
Ce polar choral très ancré dans la fin des années 90 diffuse donc un charme indéniable, mais il faudra pour l'apprécier accepter de fermer les yeux sur certaines faiblesses pénalisantes, notamment quelques grosses ficelles narratives et une interprétation très inégale.