"C'est l'histoire d'un homme qui tombe d'un immeuble de 50 étages. Le mec, au fur et à mesure de sa chute, il se répète sans cesse pour se rassurer : "jusqu'ici tout va bien, jusqu'ici tout va bien, jusqu'ici tout va bien". Mais l'important, c'est pas la chute, c'est l'atterrissage".
Il y a 25 ans sortait sur les écrans "La Haine" de Matthieu Kassovitz, qui à travers l'histoire de trois jeunes d'une cité posait de façon magistrale un constat à la fois mélancolique et désillusionné sur les banlieues françaises.
25 ans plus tard, "Les Misérables" sort sur les écrans français et l'on a au fond l'impression que le constat des banlieues est le même (ou peu s'en faut), sauf qu'ici le focus est centré sur trois flics de la BAC de Montfermeil à l'origine d'une bavure.
Dans les deux cas, le constat d'une banlieue méprisée et abandonnée par le système est le même et dans les deux cas le film s'achève par une mise en garde pour la société dans son ensemble : attention, ma cité va craquer !
Mais là où "La Haine" focalisait sur la chute, "Les Misérables" est une mise en garde sur l'atterrissage. Celui de la banlieue dans un système à la fois méprisant et oppressant.
"Les Misérables" est un film dense, brut, incisif et menaçant dans sa finalité. Dans sa volonté de se dépouiller de toute circonvolution formelle, il s'affirme comme une mise en garde, un signal d'alarme avant le grand déchainement de la banlieue face au système qui l'a méprisé trop longtemps.
Là où "Les Misérables" cherche à se défaire de tout le poids de l'esthétisme pour se focaliser sur l'importance et l'urgence de son message, c'est précisément là où il se distingue de "La Haine" qui est un chef d'oeuvre esthétique, un vrai film de cinéma, avant d'être un film sur la banlieue.
Le parti pris esthétique de "La Haine" qui commence par le choix du noir et blanc cherche à exprimer avant tout le désespoir de la banlieue et la tentation d'en sortir ("jusque-là tout va bien..."), alors que "Les Misérables" est un message d'alerte (attention, les jeunes qui ont vraiment la haine vont prendre le pouvoir et tout casser).
On a beaucoup comparé les deux films alors qu'ils sont radicalement différents. 25 ans plus tard, "La Haine" reste ce film magistral qui a laissé en nous cette empreinte profondément mélancolique. "Les Misérables", quant à lui, qu'en restera-t-il donc dans 25 ans, en dehors d'un constat ayant déjà été fait ?

fred-bayle
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le 21 nov. 2019

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