Pascal Bouaziz évoquait au sujet de l’album Sciences Politiques la différence entre chanson engagée et chanson politique, en affichant clairement sa préférence pour la deuxième catégorie. On peut évidemment appliquer cette différenciation au cinéma : d’un côté les bonnes intentions en noir et blanc d’un Intouchables, de l’autre l’arc en ciel de la vie dans Les Misérables (ou de Shéhérazade).

Et c’est sans doute pour cela que l’on rapproche (de façon un peu simpliste) le film de Ladj Ly de The Wire (Sur Ecoute) : le réalisateur Français y épouse avec la même neutralité la diversité des points de vue (celui des flics de la BAC, des gamins, des « parrains » du quartier). On est évidemment loin de l’analyse sociologique de la série culte Américaine, mais Les Misérables a le mérite de l’urgence (l’action se déroule sur 24h), de remettre les points sur les i de façon radicale (ce que peinait à faire Joker, malgré ses velléités d’appel à la prise de conscience), et surtout celui de faire du cinéma. Aussi à l’aise dans les scènes d’intimité (drôles ou tendues) que d’affrontement (comment ne pas penser, dans la scène d’émeute, au superbe Assaut de John Carpenter), Ladj Ly impressionne par sa maîtrise des espaces : le ciel, la rue et les immeubles sont filmés avec la même énergie.

Ajoutons à cela des dialogues croustillants et une direction d’acteurs hallucinante (un modèle de portraits brossés en quelques scènes) et on tient, à coup sûr, le film français de l’année. Ne pas se laisser déborder par ce titre hénaurme : Ladj Ly est tout sauf prétentieux. Plutôt un brillant provocateur, de ceux qui remettent les pendules à l’heure sur l’ordre du monde en une poignée de minutes.

Créée

le 28 nov. 2019

Modifiée

le 5 juin 2024

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François Lam

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