Lâcheté et mensonges
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Après son court-métrage du même titre sorti en 2018 et une nomination aux Césars en 2018, Ladj Ly s'embarque dans la réalisation de son premier long-métrage, "Les misérables", avec quasiment la même équipe, en élargissant les thématiques abordées dans son court-métrage.
Eté 2018 : la France est heureuse, on vient de gagner la Coupe du monde de football pour la deuxième fois, 20 ans après 1998. Pendant ce temps, Stéphane intègre la brigade anti-criminalité (BAC) de Montfermeil (93), dans la même équipe que Chris et Gwada, deux anciens de la ville. On suit la première journée de Stéphane, "le nouveau", et de ses équipiers, qui doivent notamment lutter face à un conflit opposant des gitans d'un cirque et les habitants du quartier ; les bêtises des enfants ; les difficiles relations entre habitants et force de l'ordre. Et en 24h, tout peut aller très vite... et très loin.
Le film a trois actes distincts : l'intégration de Stéphane dans l'équipe ; les tentatives de règlement des différents problèmes ; l'acte final (sans spoil). Si le premier acte est un poil long, il est quand même nécessaire, car il présente bien le caractère des différents personnages, et montre les difficultés auxquelles doivent faire face d'une part les membres de la BAC et d'autre part les habitants de la ville.
En revanche, les deux autres actes sont passionnants : dans la deuxième partie du film, les évènements s'enchainent très vite, à tel point qu'on se demande réellement à la fin du film s'il est possible que seulement 24h se soient déroulées. La violence des propos et des relations entretenues par les différentes "catégories" de personnage interpellent, on se demande comment il est possible qu'on en soit arrivé là.
Le troisième acte est magistral : il est plus court que les autres, car il s'agit de la scène finale, qui dure entre 10 et 15 minutes, mais elle est sensationnelle, de stress, de tension, de violence, de peur, de haine... tout ce que le film prépare pendant 1h30 s'accomplit en 15 minutes dans cet acte final.
Les acteurs sont brillants, très bien dirigés, avec une mention spéciale à l'interprète de Chris (le chef de l'équipe), à savoir Alexis Manenti (lauréat du César du Meilleur Espoir Masculin en 2020), qui a également co-écrit le scénario. Les deux autres (Damien Bonnard, qui joue Stéphane et qui a été nommé au César du Meilleur Acteur, et Djebril Zonga, qui interprète Gwada) sont également excellents. Les nombreux enfants et seconds rôles que l'on voit dans le film s'en sortent également très bien.
De son côté, Ladj Ly propose une réalisation sobre, mais soignée. Ses cadres sont propres, il se sert également à de nombreuses reprises d'un drone (celui-ci a une réelle importance dans l'histoire), les décors sont simples, mais crédibles, tout comme le scénario. Lauréat du Prix du Jury au Festival de Cannes 2019, puis de 4 Césars en 2020 (notamment ceux du Meilleur Film (alors que c'est un premier film) et du Public) avec aussi 8 autres nominations, le film a également représenté la France à l'étranger, en étant nommé aux Golden Globes et Oscar du Meilleur Film Etranger en 2020.
Surtout, le premier plan du film, à savoir une France réunie par la victoire lors de la Coupe du monde de football 2018 en Russie, est très pertinent, et en présente tout le propos. En effet, la France n'est pas réunie. On fait semblant. On crée des liens auxquels on ne croit pas, et dont on ne s'occupe pas. On rejette toujours la faute sur les autres, sans se remettre en question. On ne fait pas de pas vers l'autre. La citation finale de Victor Hugo, issue de son roman "Les Misérables", et qui clôt le film, est très pertinente. Le problème, ce n'est pas les hommes, mais la manière dont on gère les relations, et surtout, la manière dont les forces supérieures le font. On a tendance à vouloir régler les choses non par le dialogue... mais par la violence. Or, comme le montre tristement et durement le film, la violence appelle la violence.
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Créée
le 28 févr. 2021
Critique lue 142 fois
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