J'ai toujours été sensible aux propositions cinématographiques des membres issus du collectif kourtrajmé, dont est issu Ladj LY.


Pour son premier long métrage en tant que réalisateur, il nous propose une plongée presque documentaire et en tout cas naturaliste dans le quotidien des relations tendues entre la police et les habitants d'un quartier défavorisé de Seine Saint Denis.


Là où selon moi, le film est une réussite, c'est qu'à aucun moment il ne tombe dans le piège du pathos ou dans celui du manichéisme. Aucun protagoniste ne nous est présenté comme complètement noir ou blanc, chacun a sa part de responsabilité, chacun se retrouve impliqué et doit assumer ses responsabilités dans la situation et les drames qui en découlent.


Servi par une réalisation simple, où les scènes sont filmées caméra à l'épaule pour mieux plonger le spectateur dans cet univers que nous côtoyons qu'à travers les rubriques faits divers des journaux télévisés, mais dont nous ne connaissons rien.

En utilisant un drone, qui deviendra un personnage central de son récit, Ladj Ly veut d'abord nous présenter un décor, qui sera l'unité de lieu chère au théâtre antique, pour petit à petit serrer son plan et son propos sur quelques éléments et quelques acteurs qui évoluent dans ce lieu, sur cette scène urbaine, scène qui est à la fois témoin et partie prenante des faits relatés.


S'ouvrant sur les images de la liesse populaire qui a suivi la victoire de la France à la coupe du monde de football de 2018, pour très vite démonter cette fausse impression d'unité et mettre l'accent sur les désaccords profonds qui pourrissent la vie d'une partie de nos concitoyens.


La proposition de Ladj Ly est à la fois brillante sur un terme factuel de cinématographie et intelligente sur le plan de la narration et de la mise en lumière des problèmes évoqués tout le long du métrage.

Attention à ne pas comparer son film à celui de Mathieu KASSOVITZ, La Haine (1995), car ici le propos du réalisateur n'est pas de nous désigner un coupable ou de nous dire qu'une opposition nette et irrévocable entre police et habitants conduit au drame, mais plutôt de nous rappeler que ce sont les résultats d'un système et d'une politique qui font les histoires et drames qui sont partagés par tous les protagonistes.

On y traite sur le même plan d'égalité de l'abandon des pouvoirs qui permet aux salafistes de prendre le contrôle de la jeunesse, de la tension que subit la police chargée de maintenir un semblant de présence étatique là où tous les services publics ont été peu à peu supprimés, ou encore du désarroi trop souvent perçus comme de l'abandon des anciennes générations vis à vis des débordements des plus jeunes qui n'ont pour exemple que la notoriété sulfureuse de quelques aînés survivants et pour seul espoir d'avenir meilleur que les sirènes de la délinquance.


Le spectateur n'est pas considéré comme un simple témoin ou un juge à qui l'on demande de désigner les coupables mais comme un acteur à qui on demande de penser et réfléchir la situation.


Le film s'achève sur une citation de Victor Hugo "Il n'y a pas de mauvaises graines, seulement des mauvais cultivateurs." et c'est exactement cela que nous dépeint ce très bon film, dont le prix du jury à Cannes est amplement mérité.

Un film à voir sans aucun doute, pour sa qualité intrinsèque et son aspect témoignage d'une époque.

Très hâte de découvrir les prochaines réalisation de son auteur.

Spectateur-Lambda
7

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Créée

le 24 sept. 2022

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