Magic Malick... ou quand le cinéma se fait poésie
On a parfois tellement vu et revu un film qu'on se cherche de bonnes excuses pour y replonger une fois de plus. Ici, restauration de ce monument oblige, l'occasion était trop belle...
Le "Monde Malick" se trouve tout entier dans ces "Moissons du ciel". En effet, on y retrouve son sens du drame pur, sa vision désenchantée de la société, dans la droite ligne de "Badlands" (1), et tout ce préfigure la suite de sa carrière : la nature comme vecteur absolu de la vie, l'impuissance de l'homme face à cette nature trop belle, trop forte.
Au-delà du contenu, il y a le contenant, la mise en scène si singulière de Malick, son obsession du contemplatif, au point de choisir de raconter une histoire par le plan, cassant ainsi les codes narratifs habituels. Poussant ses collaborateurs à bout (un producteur désespéré de voir jour après jour le budget enflé, un acteur principal se sentant négligé par un réalisateur trop obsédé par le souci du plan absolu, un directeur photo, génial Néstor Almendros, mis à l'épreuve comme jamais), Malick parvient à accoucher d'un poème visuel, bercé par "l'heure bleue" qui inonde la pellicule et fait basculer le spectateur dans une sphère cinématographique rarement empruntée.
La voix off et la musique (signée Ennio Morricone pour l'occasion) cèlent définitivement le sort du spectateur, (heureuse) victime de cet envoûtement.
Voilà donc réunis en à peine plus de 90 minutes tous les ingrédients qui font encore à ce jour tout le cinéma malickien, pour le plus grand bonheur des uns et le malheur des autres.
NB : A noter une fois de plus le remarquable travail effectué par Criterion pour servir un transfert enfin digne de ce film.
(1) http://www.senscritique.com/film/La_Balade_sauvage/477739
http://www.senscritique.com/film/The_Tree_of_Life/critique/6230327
http://www.senscritique.com/film/Le_Nouveau_Monde/critique/8558071