L'esthétique ne peut pas sauver à elle seule un film

Énorme raté. J'avoue ne pas comprendre du tout la notation si élogieuse envers ce film sur ce site.


Sur le plan formel, on peut dire que c'est plutôt réussi. Les plans sont souvent de très grande qualité, que ce soit pour les paysages naturels ou les attentes sur les regards des différents personnage, seulement, la virtuosité esthétique d'un film ne suffit pas à le sauver.
En effet, j'ai trouvé le traitement du fond de l'histoire d'une indigence sans nom. C'est principalement le traitement des personnages qui est un vrai problème, cari il est tout simplement absent dans ce film. On se demande même si le réalisateur est bien conscient du fait qu'il ne développe absolument rien et compte uniquement sur son esthétique sublime pour nous faire ressentir des choses.
La petite sœur qui parle en voix off n'est quasiment pas présente dans le film, elle n'a aucun dialogue, aucune scène avec son grand frère donc aucun attachement possible de la part du spectateur pour un personnage aussi fade et délaissé. Le grand frère est insipide lui aussi en plus d'être extrêmement critiquable voire incompréhensible dans ses choix, car laisser marier la femme qu'il aime à quelqu'un d'autre soit disant pour avoir une meilleure vie c'est exactement ce qu'il faut faire pour se rabaisser encore plus socialement. De plus, ce grand frère et cette sœur ne semblent pas à l'article de la mort, ils sont bien coiffés, bien habillés, ce qui est en profond décalage avec ce que semble induire le réalisateur pour justifier les choix extrêmement contestables que les personnages prennent. Par exemple, la femme s'aperçoit qu'elle commence à s'attacher à son mari, ce qui conduit à la fuite durant plusieurs mois du grand frère, qui réapparaît sans que ça ne semble poser de véritables problèmes. On a le droit à un dialogue de 20 secondes avec la femme qu'il aime pour les retrouvailles et tout repart comme si de rien n'était...
De même pour les dernières scènes où nous voyons la femme partir de la ferme. Elle a l'air toute joyeuse, bien dans son corps, bien dans sa tête, alors qu'elle vient juste de perdre les deux hommes qu'elle aimait mais tout va bien, il ne s'est rien passé, veuillez circuler.


Aussi, on a la fâcheuse impression que ce film devait durer au moins 2h30 mais qu'une bonne heure fut coupée tellement les différentes séquences de l'histoire du film s'enchaînent à une vitesse folle, en particulier sur la fin. C'est un vrai problème, car on a l'impression que Terrence Malick s'est transformé en Balzac qui vide les cafetières pour se précipiter autant sur les dernières séquences.
C'est la gestion de la temporalité qui pose problème, certains plans sont inutilement longs sur ce qu'ils ont à montrer, et d'autres auraient mérités de l'être davantage, comme pour la mise en scène de la mort du grand frère et du propriétaire, mais ce n'est qu'un petit exemple parmi tant d'autres dans le film.
Ah oui, revenons-en à cette fameuse scène de la mort du propriétaire. Le film a vraiment été réalisé en 1978 ? Car j'ai l'impression de voir la mise en scène expéditive d'un film des années 30.
C'est d'une grossièreté et d'un pathétisme sans nom cette charge aberrante sur sa victime. Encore une fois, aucun dialogue, aucune profondeur dans le traitement des personnages, c'est génial.


Même la critique sociale qui est implicite dans le film est tellement faible... On a le droit à deux dialogues un peu rudes sur l'idée qu'un individu en remplace un autre, (thématique récurrente quand il s'agit de critiquer les rouages terribles du capitalisme) et puis plus rien. Et comme je l'ai mentionné précédemment, on ne peut pas compter sur ce que le film renvoie implicitement car les choix des personnages sont trop contestables pour y adhérer. C'est comme si tout sonnait faux, et comme si tout sonnait creux aussi.


En résumé, il y a de belles images qui défilent et c'est bien tout. Je suis ressorti extrêmement déçu de ce film. Si on veut voir des réalisateurs qui savent manier avec une grande habileté et une ingéniosité cinématographique le fond comme la forme, on pioche dans la filmographie de Kubrick, Tarkovski ou Bergman, mais on ne regarde pas ce film, qui est juste très surfait et pas suffisamment maîtrisé dans ce qu'il souhaite exposer à mon sens.

Tystnaden
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le 29 mai 2020

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Tystnaden

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