Ne dit-on pas qu'il n'y a que la vérité qui dérange ?
Les nouveaux gardiens de l'ordre établi sont journalistes, éditorialistes, experts médiatiques. Lorsque l'information est produite par les grands groupes industriels du Cac40, la presse peut-elle encore jouer un rôle de contre-pouvoir démocratique?
En 1932, l'écrivain Paul Nizan publiait Les chiens de garde pour dénoncer les philosophes et les écrivains de son époque qui, sous couvert de neutralité intellectuelle, s'imposaient en véritables gardiens de l'ordre établi.
Aujourd'hui, les chiens de garde sont journalistes, éditorialistes, experts médiatiques, ouvertement devenus évangélistes du marché et gardiens de l'ordre social. Sur le mode sardonique, Les nouveaux chiens de garde dénonce cette presse qui, se revendiquant indépendante, objective et pluraliste, se prétend contre-pouvoir démocratique. Avec cette force et précision, le film pointe la menace croissante d'une information produite par des grands groupes industriels du Cac40 et pervertie en marchandise.
Le système de la presse des débuts du journalisme moderne jugé "antique ou soviétique" par Anne Sinclair reste, semble t'il, inchangé aujourd'hui. C'est ce que veut nous faire admettre Gilles Balbastre et Yannick Kergoat avec Les nouveaux chiens de garde. Selon eux, les journalistes font preuves d'une grande hypocrisie en clamant haut et fort leur indépendance, leur objectivité et leur pluralisme. C'est donc à ces trois qualités qui définiraient la force de la presse aujourd'hui, que Gilles Balbastre et Yannick Kergoat s'attaquent. Ils vont retourner la situation en démontrant que ces trois points forts sont, en réalité, les trois points faibles du journalisme et du journaliste.
Le film est donc découpé en trois parties (indépendance, objectivité et pluralisme) et à chaque fois les deux réalisateurs vont partir de faits très simples pour nous démontrer que la presse et la politique forment une seule et même famille. Ainsi, ceux qui se revendiquent être le contre-pouvoir démocratique ne seraient que des gardes fou de la politique, des chiens de garde qui nous donneraient, à nous citoyens de la république, les fausses clefs pour penser. Ces experts en économie et en politique nous feraient croire que c'est notre libre arbitre qui nous guide alors qu'en réalité, nous serions menés inconsciemment par l'ordre politique.
Sur un ton résolument ironique et satirique, Gilles Balbastre et Yannick Kergoat réalisent un tour de force qui dérange fortement tous les journalistes, toute presse confondue. Mais ne dit-on pas qu'il n'y que la vérité qui dérange ?
Attention tout de même à ne pas tomber dans le piège qui est dénoncé par les deux réalisateurs en prenant une certaine forme de recul sur ce qui nous est affirmé pendant ces 104 minutes...