"C'est très difficile de vivre dans deux endroits à la fois"...
De même qu'"A nos amours", de Maurice Pialat, était, en 1983, "le" grand film sur l'adolescence des années 80, il se pourrait bien qu' Eric Rohmer ait signé, en 1984, avec "Les Nuits de la pleine lune" (dont le hasard veut qu'il soit pratiquement contemporain d'"A nos amours"), "le" grand film de la jeunesse des années 80.
Avec ce film résolument contemporain (l'une des deux maisons de l'héroïne est située dans la "ville nouvelle" de Marne-la-Vallée), Rohmer touche au plus près à ce que l'on pourrait appeler "l'air du temps".
Il est appuyé en cela (c'est important) par la musique d'Elli et Jacno, duo "tendance" emblématique d'une certaine new wave à la française (qui allait de Lio à Taxi Girl, en passant, entre autres, par Etienne Daho ou Marc Seberg). C'est là un fait d'autant plus notable qu'Eric Rohmer, en règle générale, répugne à utiliser de la musique "gratuitement" (c'est-à-dire quand le scénario ne l'exige pas explicitement) dans ses films.
Mais, justement, il se trouve que le sujet, ici (la peinture d'une certaine jeunesse, clairement citadine et plutôt bourgeoise) exigeait la présence de musique. Elle intervient donc comme un élément essentiel.
Certes, on retrouve, par ailleurs, les habituels et réjouissants chassés-croisés amoureux dont nous régale le cinéma de Rohmer.
Et puis, surtout, il y a la présence de Pascale Ogier, actrice atypique au physique et à la voix si particuliers. Non seulement, elle donne au personnage de Louise une présence inédite (c'est un personnage totalement contemporain, au sens large du terme... idée géniale de casting), mais elle lui insuffle aussi une "vie" (elle est si frêle qu'on n'ose pas parler d'"épaisseur") réelle, la rendant tour à tour (voire à la fois) irritante et irrésistiblement attachante pour le spectateur.
C'est le plus grand rôle d'une actrice touchante, causant, en disparaissant prématurément (quelques jours après la sortie du film), une perte irréparable pour le cinéma.