Avec un scénario non-genré, des personnages multiculturels, une action aussi prenante que les séries, une jouissive fluidité qui n’abdique pas d’un regard à la fois ironique et compatissant sur les mœurs actuelles, non seulement Jacques Audiard réussit encore à se renouveler, mais en plus il s’inscrit clairement dans la modernité.
Pourquoi autant de médias et de spectateurs veulent voir dans ce qui mérite nos louanges l’échec de Audiard, l’accusant de manque de profondeur, de clichés modernes, de fausse bienveillance raciale, et même de wokisme (putain quel con a écrit ça ? Sûrement un infiltré du Figaro ou pire de BFM) ? En lisant / écoutant leur discours bâtard, on peut percevoir le fiel de la vraie génération désabusée, assise la raison entre deux temps, hésitant entre un « c’était mieux avant » et un « la modernité c’est déjà trop vieux » (comme le dernier I-Phone quoi). Pauvres apatrides temporels, n’appartenant à aucune époque…
Bref. Quoiqu’ils en disent, Audiard, dans des conditions contraignantes (tournage pendant la crise sanitaire), un scénario écrit à trois têtes (sans compter celle d’Adrian Tomine, auteur de BD dont le film est l’adaptation), des acteurs inconnus et un genre auquel il ne s’était jamais frotté s’en sort très bien : on s’amuse, on rit, on a le regard qui brille, on se sent pris dans l’engrenage de notre temps, on passe d’une information à une autre comme si on les faisait défiler du bout des doigts, on vibre avec les personnages. Ce n’est pas du cinéma social, ce n’est pas de la Nouvelle Vague ni du Rohmer ni du Hong Sang-soo (putain quel est le con qui a fait le rapprochement ? Ce grand écart mental a dû faire mal où je pense), mais ça n’en n’avait nullement la prétention. Rien de plus qu’un film dans l’ère du temps, un divertissement intelligent - et c’est déjà beaucoup.