Mais quel est donc le secret de Mikhaël Hers, à chacun de ses films, pour nous donner une masterclass en matière de direction d'acteurs ? Ce talent éclate plus puissamment que jamais dans Les passagers de la nuit, tant avec des interprètes qui n'ont plus rien à prouver (Charlotte Gainsbourg, Emmanuelle Béart), qu'avec des talents en devenir (Noée Abita et Ophélia Kolb) ou même un quasi débutant remarquable (Quito Rayon Richter). Autre constante dans le cinéma de Mikhaël Hers : la fluidité de sa mise en scène et de sa narration, marquée par des ellipses brillantes. Les passagers de la nuit est un film "historique", de 1983 (1981 pour l'ouverture) à 1988, une chronique familiale qui rend romanesque les petites choses du quotidien et sait faire monter l'émotion en une progression subtile et imparable. Les personnages y sont des âmes sensibles, parfois en larmes, et bienveillantes, même si certains luttent contre leurs démons. Le film est un portrait de groupe remarquable, qui réussit dans le même temps des portraits individuels d'une insigne intelligence. Le moindre petit rôle, même si celui d'un grand absent '(le mari) est travaillé avec un soin extrême, à la manière d'un artisan, et nous semble assez vite familier, comme s'il faisait partie de nos proches, presque idéalisés. C'est cela qui donne ce troublant sentiment de ce qu'ils ont été (que nous avons été), surtout pour ceux qui ont vécu leurs années d'enfance ou d'adolescence, comme Hers, dans la décennie 80.