Mai 1981. Mitterrand vient peut-être de gagner les élections présidentielles, provoquant dans les rues et sur les boulevards une impressionnante liesse populaire, avec partout ces gens qui dansent et qui rient et qui crient, mais Élisabeth, elle, vient d’être quittée par son mari, juste après, alors Mitterrand… Pour elle, c’est une nouvelle vie, certes en morceaux, qui commence, à l’image d’un paysage politique qui soudain se meut. En perte de repères affectifs et matériels, devant assurer le quotidien de son fils et sa fille, Élisabeth trouve un emploi dans une émission de radio, la nuit, et puis rencontre Talulah, jeune toxico désœuvrée qu’elle prend sous son aile.
Avec patience et par petites touches, Mikhaël Hers met en place récits, enjeux et personnages autour de ce thème, la famille, qu’il scrute et explore depuis plusieurs années déjà, et dont il serait devenu une sorte d’orfèvre. Mais, toujours, une famille fragmentée, en souffrance, que viennent malmener séparation (Les passagers de la nuit), deuil (Ce sentiment de l’été) ou même attentats (Amanda). Mais, toujours, une famille qui se reconstruit ; est une force, un rempart contre les adversités, un noyau dur malgré la fragilité de la vie. Chez Hers, toujours, il y a ce mouvement de réinvention, vers l’avant, un rapport au monde plein d’espoir(s) nés de la proximité et de l’amour, et du souvenir aussi, des siens.
Seulement voilà : cette fois la petite musique Hers, aérienne et délicate, ronronne. Et ne surprend, et ne touche plus. On s’étonne, ici et là, de s’ennuyer, de trouver ça pas (plus) vraiment original, voire pas (plus) vraiment pertinent. On en vient alors à chercher les raisons. Peut-être des dialogues qui, parfois, peinent à sonner juste. Ou certaines situations qui frôlent le cliché (la danse sur Joe Dassin par exemple) ou, pire, qui sont sans intérêt, Hers abordant tant de sujets à la fois (se relever, la drogue, les premiers amours, la parentalité…) que certains en deviennent anecdotiques, sinon inutiles. Ou même le jeu agaçant de Noée Abita, dans lequel pourtant Hers a décelé comme un écho à Pascale Ogier dans Les nuits de la pleine lune (dont un extrait s’invite, à dessein, dans le film). Ou qu’il manque quelque chose au film (serait-ce une vibrance, des émotions décuplées, un sursaut de folie douce ?), engoncé dans sa volonté de bienveillance et un excès de bons sentiments. On a, c’est sûr, connu Hers avec la main moins lourde.
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