Les passagers de la nuit est un confort movie assumé. Tendresse, douceur, amour, réconciliations, évanescence et nostalgie sont convoqués pour nous faire du bien, pour nous faire aller mieux. Mais le spectateur n'est pas un convalescent qu'il faut soigner. Et si il peut-être intéressant de scruter la douceur du monde, elle sera d'autant plus forte que le contraste avec la violence, la dureté, avec ce qui n'est pas doux, aura été exposé au préalable.

Or, le film élude systématiquement les tensions et les aspérités contenues dans le scénario au profit d'une tendresse artificielle. Le traitement de Tallulah en est symptomatique. Elle est addict, vit dans la rue, seule et pourtant, rien de tout ça n'est montré (et n'est même pas visible !). Elle n'est pas sale, n'a pas l'air fatiguée, ses crises de toxico sont invisibles.

Car Hers s'efforce de ne montrer aucune dureté. Vous comprenez, il ne faudrait pas que le spectateur ressente un quelconque inconfort. Non non, surtout pas ! Le spectateur sera choyé, point.

Et par conséquent, le film survole tout : le contexte politique de l'élection de Mitterrand, la chute dans la Seine sans conséquences négatives (qui vise à rapprocher les personnages pour produire encore de la douceur), le père supposément connard qu'on ne verra jamais, les disputes familiales toujours abrégées ou s'achevant par un moment de réconfort. Pourquoi ancrer son récit dans la période mitterrandienne, époque éminemment clivante, pour n'en montrer que du consensus ? Je crois que c'est par pure nostalgie. Et la scène d'ouverture le montre : qui ne sera pas nostalgique face aux panneaux RATP d'antan, qui affichent avec de jolies petites loupiotes les itinéraires des passagers sur une carte ?

Cette recherche continue de tendresse et de douceur, lourdement appuyée sur une fibre nostalgique, rend finalement le film mièvre et pire encore, peu crédible. La très belle musique électro, le grain de l'image et les fondus montrent certes ce qu'il y a d'ineffable dans la vie de tous ces gens, mais ne sauvent pas l'ensemble.

FritesLongues
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le 5 août 2023

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