Il y a parfois des succès que l'on ne voit pas venir et qui surprennent agréablement. Après Roxane (2019) où Guillaume de Tonquedec contait Cyrano à ses poules ; Mélanie Auffret s'est lancée dans une nouvelle comédie sentant bon la campagne et les villages reculés de France. La réalisatrice pose alors sa caméra à Le Juch, commune bretonne, tout en ayant vu différents maires de villages histoire de créer son personnage principal.
Présenté au Festival de l'Alpe d'Huez, Les petites victoires fait son effet et obtient le Prix spécial du Jury et le Prix du public. Mais la surprise vint de sa sortie. Deuxième distribution de Zinc, le film aurait pu se faire écraser par Creed 3 (Michael B Jordan) ou La Syndicaliste (Jean-Paul Salomé, 2022). Malgré cette concurrence, il se maintient grâce au bouche à oreille et manque de peu d'atteindre le million d'entrées (925 562 plus exactement). Ce succès, notamment en Province, se confirme par le sujet même.
Beaucoup de gens ont connu ce type de village loin de la grande ville, où cela devient compliqué si vous n'avez pas un moyen de locomotion. A cela rajoutez que plus ils sont désertés, plus les commerces s'effondrent avec une population qui vieillie et une jeunesse qui part et ne revient pas. Comme une emmerde n'arrive jamais seule, il y a aussi le nombre d'élèves minimum à l'école et si vous ne l'avez pas, vous pouvez mettre la clé sous la porte.
Auffret et son scénariste Michaël Souhaité réussissent à retranscrire cette réalité à travers ses personnages. Afin de faire vivre leur village, les habitants sont soudés entre eux, jeunes comme vieux. Les petites victoires brasse des sujets forts comme cet aspect et la solitude. L'illettrisme amène à isoler le personnage de Michel Blanc et le seul moyen de sortir de la solitude sera d'apprendre. Le personnage de Julia Piaton est dans le même cas.
Elle incarne le maire du village, mais aussi l'institutrice de l'école. Un personnage qui fait tout, au point de ne rien faire pour elle. Son village c'est sa vie... un peu trop même. Le spectateur la voit se démener par tous les moyens pour sauver son village en remettant en selle la boulangerie, en réparant la route ou en essayant de trafiquer les chiffres de son nombre d'élèves pour sauver l'école. Mais elle n'a pas de vie et c'est ce qui la rapproche de son "élève". Le duo Piaton / Blanc fonctionne parfaitement à l'écran, chacun parvenant à tirer son épingle du jeu. Si on a l'habitude de voir Michel Blanc dans un registre doux-amer, c'est moins le cas de Piaton qui trouve probablement son meilleur rôle jusqu'à présent.
Les petites victoires n'est pas forcément la plus grande des comédies françaises récentes, encore moins la plus désopilante (pour cela, misez davantage sur Zaï zaï zaï zaï ou Les Vedettes). En revanche, c'est une film tendre avec des personnages attachants et qui transpire d'humanité. Ce qui ne paye pas de mine à une époque où les dents commencent à grincer dès que l'on parle de comédies françaises récentes.