Comme chaque été,une bande d'amis parisiens part en vacances au Cap Ferret,dans le Bassin d'Arcachon,dans la grande maison de Max,restaurateur fortuné.Mais cette année le séjour est assombri par l'accident de la route dont a été victime Ludo,le boute-en-train de l'équipe,hospitalisé dans un état grave.Et les problèmes personnels des uns et des autres ne vont pas tarder à plomber l'ambiance encore plus.Ce film écrit,réalisé et coproduit par Guillaume Canet a connu un destin paradoxal.Triomphe public largement célébré,il fait parallèlement l'objet d'un bashing tout aussi important.Acclamé par les uns,vilipendé par les autres,il ne laisse en tout cas guère indifférent.Cette dichotomie est surprenante dans la mesure où il s'agit clairement d'un foutu bon film de bande de copains,genre souvent fécond en belles tragi-comédies comme "Mes meilleurs copains" ou "Les copains d'abord" par exemple.Solidement produite par un pool comprenant Caneo Films,la boîte de Canet,Trésor Films,celle de son producteur habituel Alain Attal,l'EuropaCorp de Besson et M6 Films,l'oeuvre bénéficie du concours d'excellents techniciens comme le chef-op Christophe Offenstein,qui réalisera son premier long,"En solitaire",trois ans plus tard,avec d'ailleurs Cluzet et Canet en vedettes,l'ingénieur du son Pierre Gamet ou le monteur Hervé de Luze.On a souvent reproché à Canet d'avoir mis en scène des bobos parigots mais c'est au contraire une bonne chose qu'il l'aie fait car c'est justement son milieu,celui qu'il connait le mieux et dont il est le plus apte à parler.Il raconte en fait,de manière romancée bien sûr,ses propres vacances avec ses vrais amis de milieu bourgeois,comme Dubosc évoque ses étés dans les campings de prolos de son enfance.Retour d'expérience en somme,qui renforce la véracité des films.Ce qu'on peut regretter en revanche est l'imprécision,voire l'absence,du background des protagonistes.Ils sont amis de longue date,OK,mais on ne saura rien de la façon dont s'est constitué le groupe.Où,quand,comment se sont-ils rencontrés?Pourquoi ont-ils sympathisé?C'eût été utile d'avoir quelques indications à ce sujet,d'autant qu'ils sont très différents.Ils n'ont ni le même âge,bien que la plupart soient des trentenaires,ni les mêmes métiers,ni le même niveau de vie.Il apparait en outre,mais c'est un défaut récurrent dans ce genre de films,que leur amitié est peu crédible.Ils prétendent s'aimer mais les tensions sont nombreuses et les engueulades fréquentes,même si elles sont suivies de réconciliations.A part ça les personnages ont été considérés comme égoïstes,ce qui n'est pas leur particularité principale.Ils le sont,certes,mais qui ne l'est pas?L'égoïsme est un trait de caractère commun à presque tous les humains,difficile de leur jeter la première pierre.Chacun vit dans sa propre tête,dans son propre corps,il est dès lors fatal qu'on se préoccupe en priorité de soi-même,ce qui n'empêche pas par ailleurs d'éprouver de l'intérêt ou de l'affection pour autrui.Il en existe quelques-uns qui font passer le bonheur des autres avant le leur,on appelle ça des saints et on en voit peu.Non,ce qui frappe chez ces bipèdes est leur tropisme obsessionnel.Tous sont centrés sur des idées fixes qui les isolent de leur entourage et les rendent aveugles aux réalités.Et leurs obsessions sont essentiellement amoureuses.Eric et Antoine veulent absolument récupérer Léa et Juliette,leurs meufs qui les ont largués,Vincent est obnubilé par son amour pour Max,et sa femme Isabelle veut désespérément retrouver son mari qui la néglige.Quant à Max,c'est un cas d'école pour psys car il collectionne les lubies démentes entre son culte de l'argent et de la réussite,l'entretien maniaque de son terrain et la chasse aux fouines qui envahissent sa baraque.En fait,tous les personnages sont hautement névrosés et trop occupés à se débattre avec leurs problèmes pour seulement prêter attention à ceux des autres.Bien sûr Canet présente des gens excessifs,mais c'est normal dans le cadre du cinéma,il faut des intervenants "bigger than life" pour donner corps et intérêt à l'histoire.Et on est bien servi sur ce plan-là avec un florilège d'allumés divers et variés.Max,l'aîné du lot,accumule les crises de nerfs tout en essayant de se faire valoir par sa générosité envers ses potes.Sa femme Véronique est totalement excédée par ses délires et est au bord de la rupture.Marie est une humanitaire qui parcourt le globe mais dont la vie personnelle est désastreuse.C'est le genre alcoolo-nympho-droguée qui se retrouve seule et dépressive,flippant en plus pour Ludo qui est son ex.Vincent est en plein potage depuis qu'il est tombé amoureux de Max,surtout que son crush est hétéro à 200 pour 100 et rejette violemment cette nouvelle inclinaison.Isabelle sent son mec lui échapper et souffre de son indifférence croissante,se rabattant sur des vidéos pornos pour exorciser sa frustration sexuelle.Eric est un comédien fêtard et dragueur qui se prend le boomerang dans la gueule quand Léa le quitte et qu'il prend alors conscience qu'il l'aime vraiment.Antoine est lui le boulet de la bande,le raté immature qui emmerde tout le monde avec son incapacité à admettre que Juliette l'ait largué pour un autre.Pour ce qui est de Ludo,on le voit peu et pour cause,mais ce qui est montré le définit comme un vrai connard,un pilier de boîte de nuit shooté aux paradis artificiels qui va payer cher sa vie de bamboche.Sinon c'est bien filmé,les scènes s'enchaînent fluidement,les personnages sont presque tous traités à égalité et de manière habilement alternée,les décors girondins sont magnifiques et les morceaux de bravoure abondent entre moments hilarants,graves,émouvants ou tragiques,décrivant la vie dans tous ses états.Quelques scènes sont carrément cultes et inoubliables,on peut citer le terrifiant accident du début,dopé aux effets spéciaux efficaces,puis la gueule ravagée à faire peur de Ludo sur son lit d'hosto,une vraie pub pour la Sécurité Routière,la scène finale qui vous prend à la gorge,et bien sûr les désopilants pétages de plomb de Max,assortis de répliques immortelles.La déclaration hallucinante de Vincent,"j'aime tes mains",et la réponse outrée autant que surréaliste de Max,"mais bordel arrête ça,je suis le parrain de ton fils!".Son invraisemblable craquage lors de la partie de un,deux,trois,soleil,la destructrice partie de chasse aux fouines ou encore la discussion tendue qui va se terminer en pugilat avec le fils de Vincent qui demande "c'est quoi un pédé?",et Max de rétorquer "demande à ton père!".Si les personnages ont de la consistance,ils le doivent aussi à une troupe d'acteurs de haut niveau à la tête de laquelle on trouve un François Cluzet absolument démentiel en type ronchon éternellement au bord de l'implosion,une vraie grenade dégoupillée.Benoît Magimel restitue magistralement le faux calme d'un père de famille en pleine interrogation quant à sa sexualité.Gilles Lellouche est fameux en frimeur décontracté surpris par l'amour et Laurent Lafitte est convaincant en idiot geignard démuni face à l'abandon.Valérie Bonneton en épouse agacée et maîtresse de maison débordée,et Pascale Arbillot en femme délaissée mais toujours amoureuse ont des rôles plus en retrait qu'elles maîtrisent bien.Seule ombre au tableau,l'inévitable Marion Cotillard en radasse à la ramasse qui,moche et à côté de la plaque,doit probablement son engagement à son mari qui est aussi le réalisateur.Les acteurs de complément sont de grande classe dans l'ensemble avec les belles Anne Marivin et Louise Monot en compagnes parties,Hocine Merabet délicieusement insolite en coach sportif new age empathique et obséquieux,le chanteur Maxim Nucci étonnamment bon en musicien amant de passage,plus des mini apparitions de Sara Martins et Edouard Montoute.Le fameux Ludo,dont l'absence plane sur le film,est incarné par un Jean Dujardin qui crève l'écran en quelques secondes de présence.Par contre Joël Dupuch,qui comme son personnage est un véritable ostréiculteur du Bassin d'Arcachon,est assez énervant en figure tutélaire pontifiante incarnant la voix de la raison tandis que Matthieu Chedid,autre chanteur amant de Marie,aurait mieux fait de rester chez lui vu qu'il est aussi doué devant une caméra que derrière un micro.Notes et critiques de films de Guillaume Canet publiées précédemment:voir critique "Lui".Nouvelle moyenne:4,5.