D’abord un plan noir et un prénom… « Ada » répété en boucle. Puis « Adadza »
C’est une fille qui sourit, timide. Elle minaude un peu, la bouche cachée dans le col d’un vieux sweat à fermeture qui a vu passer les années. Ce sweat c’est aussi une affiche. Bizarre avec ses impacts de balles, avec Ada sous filtre bleuté, les yeux grands ouverts. C’est une fable peut-être, en tout cas, pas la réalité.


Adadza avec ses rides aux coins des lèvres, ses gestes de petite fille. Difficile de comprendre si c’est une femme ou une adolescente, une enfant aussi ?
Sur les chemins d’une Russie en ruine, d’un village aux airs de ghetto, elle se balade dans ses habits rapiécés, accompagnée d’un frère, deux frères, d’un père. Les relations se tissent au fil de la poussière. Dakko (le jeune frère) qui se roule dedans, avec sa veste en cuir ; gestes délicats d’une soeur pour le défaire de sa crasse.


Le ballet des voitures qui tournent et tournent dans la poussière. Ada, dedans, qui rit. La vie tourne dans le rythme des saletés qui se collent à sa ville, à elle.
Ada ne peut partir de là où elle est. Il serait terrible d’expliquer pourquoi. Elle ne peut fuir sa famille, qui l’encercle pour la protéger, tout en la détruisant.


Et dans l’habit religieux fait de son sweat à col haut, tandis qu’elle tient son sac comme la plus précieuse des reliques, Ada c’est la martyre silencieuse, la pénitente d’un monde dont elle ne peut rien.


Dans les représentations mythiques, dans la violence déclamée des tragédies anciennes, catharsis des peuples, les poings desserrés est le récit d’une mythologie actuelle où, les mots tus, le souffle retenu d’Adadza ou le silence d’un père au regard sombre, sont autant de reflets de l’inquiétant chemin que notre géopolitique prend.


Alors, peut-être que voir ce film par ce prisme est une extrapolation de mauvais ton. Mais chaque époque reprend à gorge chaude les mythologies d’avant. Et, qui sait. Si Adadza est une vierge ukrainienne dans nos yeux, peut-être que dans plusieurs années, elle sera autre…Jésus ou Bouddha. Nous ne savons.


-> Critique publiée ici, aussi.

SPDD
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le 2 mars 2022

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