Les dialogues de ce films sont formidables; on a envie de les écrire en même temps qu'on les entend. Prévert, oui l'immense Prévert qui nous réjouit ainsi; dommage qu'il ne soit pas aussi bon scénariste... . La distribution est également perfectible, du moins le jeu laisse à désirer, beaucoup jouant dans des registres différents, ce qui enlève beaucoup de crédibilité à l'ensemble. Si le personnage de Vilar permet un registre différent (et Vilar le fait très bien, entre devin de tragédie antique et clochard céleste tout à fait de son époque: on se demande même si sa silhouette longue et maigre, son visage mal rasé sans être barbu ne cherche pas à évoquer un rescapé des camps de concentration) les autres sont soit en retrait (Montand) soit excessifs par un jeu théâtral qui, s'il passe la rampe, ne convient guère à la caméra et aux plans rapprochés qu'elle permet. Seul Brasseur s'en sort; tandis que Carette est insupportable (moins que chez Renoir toutefois, car ici Carné le tient et, surtout, le texte de Prévert s'impose dans la drôlerie, aussi le pitre n'a plus qu'à bien se tenir).
Mais, grâce aux images, aux lumières, aux décors, aux mouvements de camera, se dégagent une atmosphère formidable faite à la fois de noirceur et d'humanité , et qui, mérite d'être soulignée. A à l'heure des réglemente de compte de l'époque Prévert propose de régler ces comptes par la Parole, par le Verbe, et c'est immensément humaniste.
On est loin, alors que l'époque s'y prêtait absolument, du manichéisme des films grand public contemporains.
Enfin la musique, notamment le thème principal qui deviendra un des tubes planétaires les plus joués dans tous les styles musicaux sous le titre "les feuilles mortes", bonifie formidablement ce film car elle est partie prenante, et pas du tout en accompagnement de la psychologie de tel ou tel personnage à un moment donné, ou en soulignements d’événements remarquables et qu'il faut donner à remarquer ou encore en illustration permettant de combler un silence qu'on ne sait pas gérer.