Une immense demeure coloniale sudiste nichée dans un jardin enchanteur préserve un pensionnat de jeunes filles, en pleine Guerre de Sécession. De temps en temps, on entend tonner les canons au loin, rappel sourd de cette guerre d'hommes qui fait rage. Ces hommes sont immédiatement identifiés comme des menaces potentielles à la quiétude de l'endroit et l'intégrité de ses pensionnaires, qu'il s'agisse du Yankee blessé accueilli par charité chretienne, ou des soldats confédérés de leur propre camp.
Le titre original du film, The Beguiled, saisit bien mieux la subtilité de ce qui se trame entre les personnages. Il inclut une idée de tromperie par la séduction. Un savoureux décalage se crée entre ces apparences que chacune tente de préserver et la tension sexuelle de plus en plus lourde depuis que cet étranger en convalescence a perturbé la gynécée. Nicole Kidman, Elle Fanning, Kirsten Dunst et les autres demoiselles minaudent à la perfection, face à un Colin Farrell qui tente difficilement de les égaler en termes de charmante sournoiserie. Le tout sous l'œil de Philippe Le Sourd qui se surpasse pour une photographie absolument sublime, mettant encore plus en valeur ces décors et costumes d'une douceur infinie.
Sofia Coppola filme l'ennui comme personne, sans même que nous ne le ressentions : ses langueurs moites qui imprègnent les personnages, ces attentes qui ne demandent qu'à être comblées. Les proies emprunte leurs douces léthargies à The Virgin Suicides et Marie-Antoinette, mais sans l'abattement du premier ou la vivante gourmandise du second. Il les remplace avec une impertinence toute en retenue (presque trop), et vire à l'humour noir qui arrache des rires francs à la salle.
Sofia Coppola semble revenir à la recette qui fonctionne le mieux sur ses fans, pour une œuvre aussi esthétique qu'intelligents, dans un jeu de dupes qui donne la part belle à son casting féminin.