On pourra toujours s'interroger sur l'intérêt de réaliser le remake d'un grand film, et même si il s'agit d'une nouvelle adaptation du bouquin, la comparaison avec le film de Siegel apparait inévitable (et préjudiciable).
Alors je le dirai d'emblée, la première version est meilleure. Eastwood était parfait, et le film comportait bien plus d'aspects sulfureux et dérangeants, que Coppola a entièrement évacués (le baiser initial entre le soldat et la petite fille, l'esclave noire, la relation incestueuse implicite de Mme Farsworth et son frère).
Cependant, en suivant exactement la même trame, mais sous un angle différent, Coppola parvient à livrer un film à la fois très ressemblant et différent. Toutes les péripéties jusqu'à la conclusion sont exactement les mêmes, mais le point de vue se concentre beaucoup plus sur les jeunes filles et leur microcosme, là où le Siegel était plus axé sur le point de vue du soldat.
La différence majeure réside surtout dans le caractère du personnage du soldat. Dans le Siegel, Eastwood était placé d'emblée comme un salaud manipulateur, qui n'hésite pas à séduire une petite fille de douze ans pour sauver sa peau, puis à manoeuvrer tout ce petit monde. Le personnage joué par Farrell est beaucoup plus fade, neutre. Il subit les événements, est reconnaissant et essaie de faire profil bas. C'est finalement l'insistance des filles à son égard qui va lui faire réaliser les possibilités qui s'offrent à lui. D'un statut de victimes, les proies de la version Coppola inversent les rôles.
Les personnages des filles ne sont pas toutes traitées aussi bien. Nicole Kidman est finalement assez en retrait, de même que Elle Fanning, dont le personnage aurait mérité une meilleure mise en avant, d'autant que c'est elle qui précipite la perte du soldat. Par contre le personnage de Kirsten Dunst est magnifiquement écrit (et interprété), de même que celui de la plus jeune fille (Oona Laurence, au moins 10 films à son actif, pas vraiment une débutante non plus).
Côté mise en scène, Coppola raffle le prix à Cannes, et livre le plus beau film de l'année, esthétiquement parlant. Feutré, raffiné, les images sont très belles et la réalisation élégante.
J'aurais préféré que le côté le plus sulfureux et dérangeant ne soit pas évacué, mais avec ses choix la version Coppola se démarque ainsi de l'original, et y greffe ses propres obsessions qui hantent son cinéma depuis Virgin suicides.