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Attention, cette critique contient des spoilers.
Sorti en Août 2017 sur nos écrans français, Les Proies est un film de Sofia Coppola tiré du roman de Thomas Cullian, datant des années 60. Clint Eastwood s’était déjà prêté au jeu en 1971 : j’avoue ne pas avoir regardé cette première adaptation.
Ayant adoré le livre, j’attendais de la réalisatrice de Virgin Suicide qu’elle nous sublime l’œuvre de Cullinan à sa façon: aussi, je ne saurais porter un regard tout à fait objectif sur ce long métrage étant donné que j’étais d’abord lectrice avant d’être la spectatrice , aussi il est possible que si j’avais visionné le film avant de lire le livre, j’aurais eu un avis tout autre.
Nous voilà plongés durant la guerre de Sécession, dans le microcosme d’un pensionnat sudiste et entièrement féminin. Une jeune pensionnaire trouve un soldat blessé dans la forêt environnante : il est accueilli par la maîtresse des lieu, Miss Martha , qui lui permet de rester parmi elles durant sa convalescence . L’arrivée impromptue du jeune homme va bouleverser les habitudes des résidentes et faire l’objet de convoitises et de rivalités.
Tous les ingrédients semblaient être là : la ténébreuse et sensuelle Nicole Kidman, la fraîche et prometteuse Elle Fanning , la belle et mélancolique Kirsten Dunst , un décor onirique et poussiéreux collant bien à l’intrigue. La technicité de Sofia Copolla est toujours au rendez vous : la photo est impeccable, les plans sont travaillés, magnifiés , soignés.
L’atmosphère tant attendue aurait pu être au là : mais non, et à mon sens c’est au niveau scénaristique que le film pêche .
L'oeuvre de Sofia Coppola laisse en effet une impression de confusion , d’inachevé : et pour cause, la réalisatrice a complètement laissé de côté des éléments clefs de l’intrigue, à commencer par certains personnages totalement écartés de son récit : on pense notamment à Miss Harriet, la sœur de Miss Martha. 500 pages condensées en 1 h 30 , et on obtient des enchaînements parfois incohérents : pourquoi les jeunes femmes s’amourachent elles aussi rapidement du soldat ? Pourquoi Miss Martha décide t-telle d’amputer le jeune homme sans examiner sa blessure plus longuement ? Pourquoi les tient ils toutes pour responsables de son mal être ?
La réalisatrice réduit ses personnages à des actions sans raconter leurs vécu. L’histoire telle qu’elle est dépeinte dans le livre est intéressante car elle met en avant la complexité des sentiments et des relations humaines , elle bouleverse nos repères et nos référentiels : il n’y a aucun gentil, aucun méchant. Sofia Copolla semble prendre un tout autre raccourci dans le film : les femmes sont forcément des victimes du soldat qui devient explicitement leur tortionnaire (menace avec une arme, prise d’otage de la plus jeune…). Le meurtre du caporal va seulement mettre un fin à leur calvaire : étant directement menacées, on comprend aisément leur acte.
Quel dommage de ne pas avoir conservé cette troublante nuance dont était emprunt le livre, et qui faisait toute la beauté de ce huit clos gothique.