Alors qu’Amy se balade en forêt en quête de champignons, elle tombe sur un soldat blessé, fuyant la guerre de Sécession. L’adolescente lui propose son aide et le conduit jusqu’au pensionnat de jeunes filles où elle réside, presque entièrement déserté en raison des combats environnants. Il n’y reste que 4 de ses camarades, ainsi qu’une de leurs ''tutrices'', Miss Edwina, et la directrice, Miss Martha. L’arrivée de ce soldat (ennemi) va bouleverser les habitudes de ces différentes femmes, éveiller leur curiosité et leur désir, réveiller des animosités et des jalousies. À noter : ce long-métrage est le remake d’un film du même nom, réalisé par Don Siegel en 1971, qui était lui-même l’adaptation du roman The Beguiled (1966) de Thomas Cullinan.
Dès la séquence d’ouverture, Coppola donne le ton. L’ambiance est très marquée, la réalisation soignée. Il y a une certaine épure, visuelle – avec une majorité de plans fixes, très peu de mouvements de caméra, qui sont en somme lents et subtils – comme musicale, évitant les fioritures qui détourneraient des enjeux. Ce qui interrompt le silence la plus grande partie du temps, ce sont les bruits de canons, qui semblent toutefois relativement éloignés du pensionnat. Celui-ci se présente comme un véritable cocon, rassurant, calme, ouaté.
Cette sensation de douceur est véhiculée par des couleurs désaturées et pastels, des lumières douces qui tamisent et créent des ombres, telles que les bougies utilisées la nuit, un jeu sur la transparence et des silhouettes qui se devinent (au travers de fenêtres, de voiles, ou aux contours rendus flottants par la brume). Mais le pensionnat va se révéler lieu de danger. Évoluant en même temps que les sentiments de celles qui y vivent, il va passer du refuge réconfortant au piège pernicieux. À l’instar d’un décor de peinture romantique, les êtres sont perdus au milieu d’une nature mystérieuse, qui peut être aussi attirante qu’inquiétante.
C’est là l’un des charmes du film : l’atmosphère qui s’y déploie. En même temps que s’accroît le désir de certaines protagonistes, monte la tension. Toutefois, on peut reprocher à Sofia Coppola d’être restée quelque peu en surface quant au traitement des personnages. Si le casting ne manque pas d’attrait (Colin Farrell en yankee, Nicole Kidman, Kirsten Dunst, Elle Fanning en hôtesses séduites entre autres), il semble qu’il ait été un peu délaissé au profit de l’esthétique. Cela ne m’a néanmoins pas tant dérangée ; on accepte la discrétion du soldat, car cela va dans le sens d’une lecture des faits plus orientée sur la gent féminine, contrairement à celle faite par Don Siegel en 71, qui s’identifiait à l’unique personnage masculin, en faisant le point d’entrée de la fable. Ici ce sont les jeunes femmes qui sont au cœur de l’attention. On aurait alors aimé creuser encore leurs relations, aller un peu plus en dessous de la surface pour montrer toute leur complexité. Mais la situation est tout de même claire et ses enjeux fonctionnent, on ne se sent pas en manque de lisibilité ou en recherche d’explications. Puis après tout, cette sorte de flottement n’est pas si incohérente que ça : les personnages ont quelque chose d’insaisissable et mouvant, comme l’est leur désir.