J’avais beaucoup d’appréhension concernant « Les Proies » ayant vu la bande-annonce, trompeuse, qui faisait penser à un film d’horreur : scènes de torture, etc. Même si ce n’est pas le style de Sofia Coppola. Connaissant la cinéaste, ayant vu tous ses précédents films, je savais qu’avec elle : ça n’allait pas être l’horreur totale.
Le film est adapté d’un livre, déjà adapté par Don Siegel en 1971. Pendant la Guerre de Sécession, un soldat blessé trouve refuge dans une maison où habitent quelques femmes.
Parait-il, Don Siegel avait magnifié l’homme (son acteur fétiche Clint Eastwood), là, Sofia Coppola en tant que femme sera clairement du côté des femmes.
Ce qu’on voit dans la bande-annonce : du sexe et de la violence. Sauf qu’on est chez Sofia Coppola, qui bien qu’elle fasse court (« Les Proies » comme presque (sauf « Marie-Antoinette ») tous ses films dure une heure et demie), prend son temps.
Evidemment, on pense à « Virgin Suicides » pour cette maison où résident des femmes. « Les Proies » est presque une chronique – la cinéaste y montre les routines des femmes de la maison : jardinage, repas, prières… Nous sommes en 1864, on entend les bombardements de la Guerre de Sécession. Cas atypique : avant le générique de fin, il n’y aura absolument aucune musique de fond : les seules morceaux sont ceux interprétés en direct par les actrices.
Chaque personnage est très bien dessiné, à des âges différents, une façon de parler unique.
Bien qu’encore une fois, le film ne soit Pas un film d’horreur, la cinéaste fait monter l’angoisse dès la première scène où une petite fille cueille des champignons et tombe sur ce soldat blessé (incarné par Colin Farrell), il lui demande de l’aider. Elle est évidemment terrifiée et ils se mettent d’accord pour qu’elle l’emmène à la maison où elle réside, non loin.
Arrivé à destination, les autres femmes, dirigées par Martha (Nicole Kidman), vont le prendre en charge et l’installer dans une petite chambre, en bas d’un escalier. Sa jambe est très mal en point
et on suit en détail les différents soins apportés à John, le soldat. Progressivement, il va aller mieux, se mettre à parler. Ne levant jamais la voix, couvé par ces femmes charmées par lui, il se laisse faire.
Martha à la venue de soldats décide même de le couvrir. Elles sont déjà attachées à lui. Surtout Edwina (Kirsten Dunst), qui sert de maîtresse, rigide, froide, cassante, mais dès l’instant où ses yeux se sont posés sur lui, elle laisse, à son contact, sa douceur s’exprimer.
Lui même ne reste pas indifférent à elle. Même si Alicia lui fait de l’œil, c’est Edwina qui semble celle faite pour lui. C’est donc tant ce qui intéresse la cinéaste : chaque regard, chaque réplique, la façon dont elle est prononcée, chaque scène (filmée comme d’habitude avec elle, le plus souvent en plan fixe), nous montre la progression du charme, du désir entre les différentes femmes (même des petites filles dont celle qui l’as trouvé) et lui. Mais tout ce qu’il veut, et ça il lui exprimera, c’est retourner en Irlande (Colin Farrell, l’interprète de John est irlandais, et Sofia Coppola n’as évidemment pas laisser cela au hasard) et emmener Edwina.
Chaque scène offre un moment de séduction en alternance, entre le soldat et chaque hôtesse.
En fait, pour les gens qui ont vus la bande-annonce comme moi, on attend donc l’action : le sexe, les cris tout cela quoi… Tout ce qui nous as été « promis ». Alors évidemment ça paraît interminable, puisque cela ne semble pas venir. Mais, sans voir la bande-annonce ou en revoyant le film sans attendre l’action, on comprends l’œuvre et donc ce que la cinéaste à voulue faire.
Mais grande adepte du style de Sofia Coppola, j’ai compris ce qu’elle as faite avec « Les Proies », ce qu’elle fait dans la plupart de ses films d’ailleurs, à commencer par « Lost in translation » : il ne semble rien se passer, alors que tout se passe pourtant devant nos yeux, une progression dramatique qui se joue à travers les regards, les répliques et les actions des personnages.
Chez Sofia Coppola tout particulièrement dans « Les Proies » : un regard, c’est un rebondissement.
Et on est à mieux à même de comprendre lorsque ça déraille : comment n’avons nous pas vu voir qu’il était vraiment séduit par Alicia, celle qui lui fait clairement du gringue, sans l’exprimer verbalement ? C’est à Edwina qui l’as fait sa déclaration d’amour, c’est avec elle, qu’il lui as dit vouloir passer sa vie, tout fuir, recommencer à zéro et il se tape Alicia !
Alors évidemment les spectatrices du long métrage ont sans doute penser que sa punition était justifiée. Pas de castration, mais après tout amputer la jambe d’un cavalier, c’est une forme de castration.
Évidemment, comme c’est Sofia Coppola, que j’adore, je ne suis pas entièrement objectif. Si un(e) autre cinéaste pour laquelle je n’aurais pas la même affection m’aurait fait le même coup, sans doute que j’aurais eu à redire, mais c’est Sofia Coppola.
Son précédent film, qui n’avait rien à voir, « The Bling Ring » avait de sacrés défauts, je les voyais, je la trouvais cruelle à la fin de condamner sèchement ses personnages mais c’était la réalité.
Là, on peut trouver le comportement soudain de John détestable, lui qui était jusque là, plutôt passif, tendre, même attachant. Aucune remarque, ni geste déplacé envers ses hôtesses d’ailleurs.
C’est le jour et la nuit, le calme avant la tempête. C’est extrêmement brutal. Mais c’est du Sofia Coppola, adaptant un bouquin (j’ignore la fidélité par rapport à l’œuvre originale).
Ce sont des plans magnifiques, surtout à l’extérieur, une mise en scène discrète et élégante, une observation pointue des personnages, détaillée, comme d’habitude. Parce que Sofia Coppola, c’est cela : son cinéma, c’est l’observation.
On observe le comportement de personnes, c’est un spectacle. Elle semble, comme moi, avoir une fascination pour les routines (ce qui était déjà visible dans « Somewhere »).
C’est rassurant tout en étant lassant : c’est cela les routines.
La cinéaste à vraiment une signature, frappante ici notamment dans son casting : son actrice fétiche Kirsten Dunst (« Virgin Suicides », « Marie-Antoinette », « The Bling Ring ») et Elle Fanning (« Somewhere ») : on retrouve une évolution chez ces actrices. Et sa réalisation, presque apaisante, avec ses plans vraiment simples et élégants, doux, aériens aussi, c’est elle depuis vingt ans maintenant. Et son regard féminin, toujours du côté des femmes, tendre, n’appartient qu’à elle.
Je pense qu’aucune autre cinéaste n’aurait fait un film aussi féministe. Et en plus elle donne un rôle
intéressant à un homme, parce que le personnage de John, cliché par sa beauté brute et frappante, certes est un personnage très bien décrit, qui apparaît Humain.
Et évidemment le casting est parfait : Nicole Kidman, 49 ans lors du tournage, est vraiment imposante, parfaite, dans le rôle de la maîtresse des lieux, plus douce que dure en vrai,
Kirsten Dunst, 34 ans désormais semblant s’embellir avec l’âge, ses petits yeux de chats magnifiques, dans un visage assez ovale est hyper-expressif. Comme elle est l’actrice fétiche de la cinéaste, c’est clairement elle qui est privilégiée : elle est très dure en tant qu’institutrice, apparaît froide, mais laisse ses sentiments s’exprimer, son désir
, notamment à la fin (même si c’est « trop » brutal à mon avis).
Elle intériorise beaucoup, elle ne parle pas beaucoup. Et elle est vraiment impressionnante dans ce personnage, gros coup de cœur pour sa performance.
Pour le redire, Kirsten Dunst est vraiment une actrice géniale, Sofia Coppola à vraiment le don de lui offre de magnifiques rôles. Elle Fanning, elle, par contre, ne semble pas beaucoup se fatiguer.
Colin Farrell, dont le rôle à été écrit pour lui, notamment pour son physique brut, brun, yeux profonds, est comme une immense masse lorsqu’il est allongé au lit et comment s’imposer face à autant de femmes, à moins que de sortir sa bestialité naturelle.
Évidemment, il est excellent.
Même si on aime les VO, la version française du film, et comme je m’y attendais, un pur régal, avant tout parce que les comédiens habituels des interprètes principaux les doublent.
Danièle Douet qui avait déjà doublée Nicole Kidman dans 25 films auparavant est évidemment impeccable sur elle, même faisant rappeler son perso dans « Les autres »,
Marie-Eugène Maréchal, intériorise, ainsi elle fait parler Kirsten Dunst (ce qui est sûrement aussi le cas en VO) presque à voix basse, toute en retenue. Et ça m’as vraiment sidéré. Elle as déjà doublée l’actrice dans 20 films avant et donc la connaît par cœur.
Boris Rehlinger, qui avait déjà doublé Colin Farrell dans trente films (et deux séries) avant, le double sans effort, à la perfection, et ajoute peut être un petit côté pince sans rire à l’acteur (les fréquents « Merci madame »), même il aurait peut être un peu moins du le charger mais bon.
Même Fanny Bloc avait déjà doublé auparavant Elle Fanning à deux reprises avant « Les Proies ».